Peut-on caricaturer Dieu? Le livre de Fr. Boespflug est paru suite
à la publication dans les journaux du monde entier de certaines
caricatures de Mahomet et aux violentes réactions auxquelles
celles-ci ont donné lieu dans certains milieux islamiques. La thèse
de l'auteur est claire: les réactions ne sont ni proportionnées ni
homogènes dans leurs formes, parce qu'on a là «plaintes et jets de
pierres contre arguments et publications de presse» (p. 14).
«L'offense ne justifie ni la violence ni le meurtre» (p. 193) au
prix, sinon, de confirmer dans sa réalité l'aspect négatif de la
caricature, car «une bombe dessinée sur le papier n'a pas les mêmes
effets qu'une bombe réelle lorsqu'elle éclate. La pire caricature
morale de Dieu est celle tue l'homme, qui est à son image (p. 194).
Pourtant ce livre n'est pas simplement un bon dossier de presse
(cf. Introduction), mais le fruit d'un long travail sur le rapport
entre image et sacré dans les trois monothéismes abrahamiques:
Islam (chap. 1), Judaïsme (chap. 2) et Christianisme (chap. 3). On
y découvre ce que disent le Coran et la Bible à propos des images
et le fruit du développement doctrinal propre aux trois religions.
Si l'auteur remarque la ressemblance entre l'aniconisme du Coran et
de la Bible juive, il ne manque pas de souligner aussi les
différences théologiques substantielles entre elles. La réticence
envers l'image de Dieu dans l'Islam et le Judaïsme, partagée par le
Christianisme primitif, se trouve surmontée plus tard, en
particulier dans la tradition iconographique latine.
À la fin de chacun de ces chapitres on trouve toujours des
remarques intéressantes au sujet du rapport de ces trois religions
avec l'humour et les caricatures. Si la caricature peut aider à
purifier l'image qu'on se fait de Dieu (qui n'est pas cela!), on ne
peut pas, au nom de la liberté d'expression, tout dire et se moquer
de tout. L'auteur écarte la possibilité d'une nouvelle police de
l'image, et appelle à l'autocensure, laquelle n'est pas une
trahison de la liberté d'expression, mais une éducation civique à
la retenue en vue d'un bien: la paix sociale (cf. p. 178-179).
L'auteur n'hésite pas à donner des conseils aux représentants
politiques, religieux, ainsi qu'à ceux du journalisme, de la
culture ou de l'art, il ne faut pas tomber dans les pièges face aux
«pouvoirs et dangers de l'image» (chap. 4), mais, pour ce faire, il
faut prendre conscience de «l'histoire iconique de Dieu»
(Conclusion). - E. Barucco ocd