Chrétiens et Juifs entre le passé et l'avenir

Michel Remaud f.m.i.
Religioni - reviewer : Jean Radermakers s.j.
«Voilà un livre important malgré ses dimensions modestes», affirme J. Dujardin au début de la préface qu'il lui consacre. Il a raison, car les chrétiens ignorent encore trop souvent le contentieux historique et théologique entre le judaïsme et le christianisme, et les efforts - parfois trop modestes - déployés surtout depuis Vatican II pour tenter de l'assumer, sinon de le vider. On connaît l'A. de cette monographie par son livre Israël serviteur de Dieu (cf. NRT 107 [1985] 742; 120 [1998] 490) et par sa thèse doctorale sur le «mérite» dans la tradition juive, intitulée À cause des Pères (cf. NRT 122 [2000] 110).
Dans ce nouvel ouvrage, il s'agit de voir pourquoi l'enseignement chrétien s'est constamment plongé dans un bain d'anti-judaïsme, comme s'il fallait condamner «l'autre» pour assurer sa propre identité. Effectivement, après une brève introduction, nous découvrons, souvent douloureusement, toute une littérature patristique franchement anti-juive dont les outrances aujourd'hui nous scandalisent. Bien sûr, il faut comprendre le cadre historique, où le judéo-christianisme s'effaçait tandis que les Juifs résistaient au mouvement missionnaire chrétien, et l'A. nous aide à juger la situation de manière pondérée. Mais il faut assumer ce redoutable héritage, d'abord en essayant d'en prendre la mesure, puis, «sans se désolidariser, en opérant un tri dans ce patrimoine» (p. 82), enfin en revenant à l'Évangile: «Seule la fidélité au Nouveau Testament, accepté sans coupures, sans lectures sélectives et sans interprétations réductrices, peut nous prémunir contre tout risque d'égarement» (p. 86). Un chapitre essentiel est consacré au texte de Nostra aetate, document de Vatican II sur les Juifs; il en rappelle la préhistoire de manière éclairante. À présent, il reste à prendre acte des directives de l'Église et à amorcer, à la suite du pape Jean-Paul II, un mouvement réel de repentance, en alignant notre langage et nos écrits sur cette attitude fondamentale de vérité. L'ouvrage se termine par trois études, trop brèves à notre estime: la première considère le rapport d'Israël à sa terre, sujet fort délicat et peut-être à nuancer davantage, car «la terre» n'a pas pour le juif et le chrétien la même signification, d'autant que les présupposés ne sont pas toujours clairs. La deuxième pose la question de la pérennité d'Israël, à partir de l'épître aux Romains et la réflexion se poursuit dans la dernière qui présente en esquisse les chap. 9 à 11 de cette même épître où Paul nous introduit au «mystère» d'Israël. Deux annexes reprennent les documents de Vatican II et les «Orientations pastorales» de l'épiscopat français (1973).
Beaucoup de matière, on le voit, dans ce petit volume, et une matière difficile à traiter en raison du poids des préjugés affectifs, des amalgames faciles, et surtout de l'ignorance des chrétiens concernant l'histoire et les textes, tant de l'Écriture que de la tradition. C'est donc un précieux vade-mecum, indispensable pour des relations saines entre juifs et chrétiens, que nous offre l'A. Nous le remercions de cette excellente contribution à la promotion dans l'Église d'une réelle «fraternité avec le peuple de l'Alliance».- J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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