C'est une époque passablement troublée, et, à bien des égards,
ecclésialement problématique, que l'A. aborde dans ce second
volume. Il y eut d'abord la vague du «progressisme chrétien»,
vigoureusement contestée dès 1945 par le P. Gaston Fessard -
France, prends garde de perdre ta liberté - contestation
vigoureusement argumentée dans l'Actualité Historique, jusqu'en
1978, année de la mort de l'A., sans oublier l'ouvrage posthume, au
titre particulièrement interpellant: Église, prends garde de perdre
la Foi. Le P. Fessard, fidèlement interprété par un autre jésuite,
le P. Manaranche, reprochait en effet à l'Union des chrétiens
progressistes de remplacer l'eschatologie chrétienne par une
eschatologie temporelle. Dans le même sens, M. Montuclard et son
mouvement Jeunesse de l'Église, survalorisait l'histoire qui
débouchait sur un pseudo-messianisme d'inspiration marxiste. «Dans
la résistance à cette tentation, note justement l'A., on peut
parler d'un grand combat au sein de la pensée catholique française
de ce temps». Ce combat évoluera vers une discussion du marxisme,
où se distinguèrent les jésuites Pierre Bigo, Henri Chambre et
Jean-Yves Calvez lui-même. En ce qui concerne ce dernier, on ne
peut que le remercier et le féliciter d'avoir résumé ici en
quelques pages l'analyse critique du marxisme qu'il avait
développée dans son ouvrage majeur, La Pensée de Karl Marx (1956)
et qui, en effet, «a été décisive dans la réflexion de beaucoup de
jeunes chrétiens dans les années 50». Le chapitre consacré au P.
Lebret, initiateur d'Économie et humanisme et de l'«IRFED» n'est
pas moins passionnant et éclairant en ce qui concerne la fécondité
sociale de la foi chrétienne. L'A. y analyse en particulier
l'influence décisive de ce Dominicain dans la rédaction de
l'encyclique de Paul VI Populorum Progressio (1967). Autre «grande
figure» du témoignage chrétien dans la réflexion d'ordre social:
François Perroux (1903-1987), dont l'A. rappelle opportunément
l'originalité aujourd'hui trop méconnue. Il ne pouvait omettre non
plus l'éminente contribution des Jésuites de l'Action Populaire
(Villain, Bigo, Calvez et Perrin); l'approche sociologique du
«politique», avec les PP. Desqueyrat et R. Bosc; la pensée
catholique d'économie libérale, avec Marcel Clément. Ce volume
apporte enfin le complément d'un regard sur la pensée protestante
française (R. Mehl et J. Ellul) et sur deux figures importantes de
la pensée sociale catholique hors de France: l'italien I. Giordani
et, aux États-Unis, le Jésuite John Courney Murray. On attend avec
impatience le tome troisième qui s'ouvrira sur «l'après 68». - P.
Lebeau sj