Ayant découvert le christianisme au début des années 1990, Paulos
(Baoluo) Huang est devenu chrétien de tradition luthérienne.
Docteur en théologie, enseignant à Hong Kong et Helsinki, il se
demande comment un Chinois confucéen peut être un chrétien
luthérien. Rédigé dans une perspective théologique plutôt qu'à
partir de simple comparaison culturelle, son ouvrage examine
l'accueil, positif ou critique, d'auteurs confucéens à la
conception chrétienne du salut. Le panorama englobe deux périodes
et trois courants: au 17e siècle, les penseurs néo-confucéens en
débat principalement avec Matteo Ricci et ses successeurs jésuites;
au 20e siècle, un courant étiqueté «Cultural Nationalist
Confucians» (actif surtout dans les années 1920-1980), puis celui
des «Modern Confucians» (surtout à partir de 1980). Ces
«confucéens» incluent des critiques voire des adversaires des
conceptions chrétiennes, des sympathisants, enfin des Chinois
devenus chrétiens. Les trois chapitres centraux examinent
successivement: les conceptions relatives à l'existence et la
nature d'une Divinité, d'un Dieu sauveur (la figure de Jésus-Christ
intervenant peu dans ces débats); l'être humain comme créature à
l'image de Dieu et comme pécheur en besoin de salut ou comme sujet
éthique capable de se cultiver et de se perfectionner par lui-même;
les moyens de salut, le débat autour d'une transcendance externe ou
interne, le rapport entre justification et sanctification. Une des
clés constantes de l'analyse est la distinction entre le
confucianisme de l'Antiquité, où Ricci et d'autres voulaient
reconnaître la notion d'une Divinité transcendante, et les écoles
néo-confucéennes qui se développèrent à partir du 10e siècle
surtout, fondées sur un ordre moral et ontologique immanent, que
l'A. appelle parfois un peu curieusement «unité moniste entre le
Ciel et l'humanité», où il n'y a pas de place pour un Dieu
personnel distinct du monde. Du côté chrétien, d'autre part, l'A.
fait intervenir plusieurs traditions théologiques: luthérienne,
catholique, orthodoxe… Au lecteur qui n'a pas accès aux sources
chinoises, cet ouvrage ouvre un domaine vaste et complexe: les
multiples interactions entre confucianisme(s) et christianisme(s)
ne se laissent guère réduire à quelques échanges d'arguments
stéréotypés. En conclusion, élargissant la perspective, l'A.
esquisse ce qui lui apparaît comme des obstacles et des atouts sur
la voie du dialogue, non seulement dans le domaine doctrinal, mais
encore au plan de l'éthique et du politique. - J. Scheuer