Des Indes lointaines aux scènes des collèges. Les reflets des martyrs de la mission japonaise en Europe (xvie-xviiie siècle)
Hitomi Omata RappoStoria - reviewer : Jacques Scheuer s.j.
Le point de départ de cette étude approfondie et richement documentée est la mise à mort par crucifixion de 26 chrétiens japonais et missionnaires étrangers à Nagasaki en 1597. Dans le souci de proposer une vision (ré)équilibrée et une histoire « à parts égales », les sources japonaises sont ici confrontées aux récits des missionnaires. Cette recherche toutefois, ainsi que H. Omata Rappo le souligne à de nombreuses reprises, ne concerne pas tant une page de l’histoire du christianisme au Japon que la présentation de cet événement par les ordres missionnaires (franciscains et jésuites en l’occurrence, mais pas toujours sur la même longueur d’onde) et la réception de ce récit par les destinataires européens. Craignant que les missionnaires, plus que les marchands, ne soient la tête de pont d’une agression étrangère, les autorités japonaises prirent des mesures impitoyables qui n’avaient cependant guère de motivations religieuses. Les évangélisateurs, pour leur part, y virent des persécutions menées par des tyrans et leurs bourreaux ; ils obtinrent dès 1627 la reconnaissance et la béatification de ces premiers martyrs des « Indes lointaines ». Destinée pour l’essentiel au public européen, cette rhétorique du martyre ne cessa de se développer au cours des deux siècles suivants alors même que l’expulsion des étrangers et l’interruption de toute relation avec le Japon transformaient ce pays en décor (presque) imaginaire pour célébrer la victoire de la foi chrétienne.
Après un examen attentif des enquêtes préalables et du procès de béatification, vient une étude fouillée des gravures et peintures qui, un peu partout en Europe, proposèrent les martyrs du Japon à la dévotion et à l’édification des catholiques. Une dernière section examine les nombreuses pièces de théâtre qui, en particulier dans les collèges jésuites, servirent à l’éducation chrétienne de la jeunesse. Une vaste fresque s’élabore ainsi grâce à la récolte patiente de documents littéraires et artistiques dispersés dans toute l’Europe catholique des Temps modernes : la bibliographie (en japonais, chinois et une série de langues européennes), bien qu’elle ne reprenne que les travaux cités directement (p. 499), couvre près de cent pages. — J.S.