Les livres des Rois sont des livres violents, et non seulement
parce qu'ils contiennent de nombreux récits de guerre. Ils le sont
en particulier en raison de l'idéologie deutéronomiste qui imprègne
toute l'oeuvre et qui est fondamentalement intolérante pour tout ce
qui ne correspond pas à sa stricte «orthodoxie». Il importe donc de
savoir lire ces pages avec suffisamment de lucidité et de sens
critique pour pouvoir les interpréter correctement en fonction de
leur contexte culturel et en dégager un message valable et
acceptable. C'est la tâche à laquelle s'attelle l'A. de ce
commentaire destiné à un large public. Il aborde de manière
succincte les questions introductives, commente le texte section
par section sans se perdre dans le détail des questions plus
techniques, puis il complète le panorama par quelques réflexions
sur «l'histoire de la réception» du texte (Wirkungsgeschichte), en
particulier à propos des figures de Salomon et d'Élie. Il ajoute un
paragraphe sur la place des livres des Rois dans la liturgie
catholique, deux autres sur le problème assez complexe de la
chronologie de 1-2 R, une série de cartes et d'illustrations, une
liste des abréviations et une brève bibliographie complémentaire.
Le point de vue adopté est plus synchronique que diachronique.
Somme toute, 1-2 Rois est considéré par l'A. comme une oeuvre
postexilique qui jette un regard en arrière sur un passé tragique
et tente de l'expliquer. Cette explication est plus linéaire et
plus convaincante en ce qui concerne le royaume du nord. Quant au
royaume de Juda, il est nécessaire de «charger» sans doute outre
mesure le roi Manassé pour expliquer la «colère de Dieu» qui
s'enflamme contre Jérusalem. 1-2 Rois offrent une vision négative
de l'histoire, mais le côté positif de cette lecture est implicite:
les quelques rares figures lumineuses du passé, surtout David et
Josias, permettront à la communauté postexilique de trouver la
route de l'espoir. L'A. insiste aussi avec raison sur le problème
de l'historicité: 1-2 Rois, en effet, ne répond pas aux critères de
l'historiographie moderne. Trois exemples suffisent à corroborer
cette opinion: la dynastie d'Omri est la plus grande dynastie
d'Israël d'après les documents contemporains, mais la Bible en dit
très peu de choses; le règne de Salomon, par contre, n'a laissé
aucune trace archéologique et n'est pas attesté dans les documents
de l'époque alors qu'il est pour la Bible le sommet de l'histoire
monarchique d'Israël; il existe deux rois portant le même nom,
Yoram (2 R 3,1; 8,16), l'un roi de Samarie et l'autre roi de Juda,
et il est possible qu'il s'agisse de la même personne. La dynastie
d'Omri a peut-être réussi à unifié les deux royaumes mais, pour
sauver la face, les écrivains du sud auraient «inventé» un Yoram
appartenant à la dynastie de David et régnant à Jérusalem (J.A.
Soggin). Somme toute, il vaut mieux lire les textes comme des
«récits» et non comme des chroniques d'historiens. - J.-L. Ska,
S.J.