Dieu contre le mal. Un chemin de théologie philosophique
Yves LabbéTeologia - reviewer : Paul Lebeau s.j.
À partir de cet état de la question, l'A. articule sa réflexion en 5 chapitres: 1. Pourquoi voulons-nous Dieu? (Pascal; Kant; Nietzsche). 2. D'où pouvons-nous parler de Dieu et le dire? «Le divin n'est-il pas toujours, d'une manière ou d'une autre, à la fois vécu dans une existence et signifié dans une tradition», ainsi que l'implique le Proslogion de S. Anselme (p. 74-75)? Notons à ce propos cette référence significative de l'A.: «Je n'ai pas caché et ne tenterai pas de cacher ce que je dois ici au christianisme» (p. 96). 3. Qu'est-ce qui nous permet d'affirmer Dieu? - étant entendu que «l'intérêt à la contextualité religieuse de la théodicée n'enlève pas à la philosophie la responsabilité de son chemin rationnel». La réponse de l'A., dont nous ne pouvons détailler ici les considérants lucidement formulés, tient en ce raisonnement: «En recevant l'obligation (morale) seule, le sujet ne reçoit pas nécessairement la capacité d'y satisfaire. Il attend donc d'être donné à lui-même pour pouvoir se donner. Or aucun autre, s'il lui est semblable, ne saurait le donner inconditionnellement à lui-même… Dès lors il n'y aurait pas de réciprocité éthique réellement possible… si le sujet n'était pas inconditionnellement donné à lui-même par un autre qui ne peut être qu'unique. Cet autre, nous le nommons Dieu».
4. Que dirions-nous encore de Dieu? En ce chapitre, l'A. aborde ce que Lévinas appelait «l'épreuve suprême de la volonté»: la souffrance. Avec sa loyauté coutumière, l'A. fait ici état d'une «rétractation»: dans un ouvrage antérieur (Le Sens et le Mal), écrit-il, il était «resté en retrait d'une pensée de l'espérance qui devienne pensée d'une possible conciliation de l'amour et de la puissance de Dieu dans sa liberté absolue» (p. 198). Il s'en explique avec maîtrise dans un cinquième chapitre qui constitue une relecture réflexive de son parcours antérieur: comment avons-nous discouru de Dieu? - mais aussi dans une Conclusion qui achève d'éclairer le sens de l'ensemble, tout en fondant la légitimité d'une philosophie théologique. Concluons nous-même par une citation qui, nous l'espérons, pourrait suffire à signaler l'importance et l'actualité de cet ouvrage: «Si Dieu n'est pas resté impensable, nous n'avons pu le penser qu'à la condition de pouvoir finalement espérer de Dieu qu'il se révèle contre la souffrance en se révélant aussi dans la souffrance. Ainsi, c'est la dissemblance suscitée par l'espérance, entre ce qui est et ce qui est attendu, qui introduit à la ressemblance sans laquelle il n'y a pas d'analogie» (p. 245). - P. Lebeau, S.J.