Du Sinaï au Champ-de-Mars. L'autre et le même au fondement du droit

Fr. Ost
Morale e diritto - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Dans la collection «Donner raison» des éditions Lessius où se confrontent philosophie et théologie, nous recevons ici une étude originale sur les fondements du droit. Qu'est-ce qui unit les membres d'une société? Le droit qui régit leurs rapports vient-il d'ailleurs, ou bien est-il le fruit de négociations internes? En d'autres termes: la loi est-elle transcendante, ou immanente à l'institution qu'elle est censée régler? Cette problématique est exposée dans l'introduction, à la fois claire, précise et nuancée: «La dialectique de l'autonomie et de l'hétéronomie semble inscrite au coeur même de l'institution juridique du lien social» (p. 5). Telle est l'hypothèse que l'A. discute «à partir de trois lieux symboliques où s'éprouve la légitimité du droit: le mont Sinaï où le peuple d'Israël reçut la Loi «du haut du ciel» (Ex 20,22), la colline du Pnyx où le peuple athénien fit l'expérience d'une cité auto-constituée, et le Champ-de-Mars à Paris où se prêtait en 1790, le serment de loyauté aux institutions révolutionnaires.» (p. 5-6).
Le développement est méthodiquement orchestré par une argumentation limpide et convaincante. La loi du Sinaï, qui se déploie à travers le Pentateuque, apparaît comme l'expression d'une Alliance entre Dieu et l'homme dans un dialogue qui traverse les générations. L'assemblée de la Pnyx (nom féminin!) révèle une démocratie qui s'auto-limite dans les décisions qu'elle prend grâce à un principe transcendant, instance de contrôle à laquelle chacun se soumet; la littérature tragique le souligne avec netteté. Au Champ-de-Mars, la nation délibère en autonomie, semble-t-il, et instaure le «contrat social» auquel on s'engage par serment à obéir; Machiavel, Hobbes, Pufendorf et Locke, Rousseau et d'autres sont tour à tour cités à la barre des témoins. La conclusion: «Le paradoxe politique que nous avons tenté de vérifier enseigne qu'une société ne peut être autonome que dans l'espace instituant du tiers qu'elle n'est pas. Et qu'elle ne peut négocier son droit que dans l'horizon d'une loi qu'elle n'a pas produite et que, pourtant, elle contribue à faire exister» (p. 124).
Pour nous guider dans cette réflexion, un professeur de droit aux Facultés universitaires St-Louis de Bruxelles, spécialiste des droits de l'homme et du droit de l'environnement. Président de l'«Académie européenne de théorie du droit» et de la «Fondation pour les générations futures», il sait de quoi il parle et il en parle avec sagesse. Son essai sur Le temps du droit (Odile Jacob, 1999) nous l'avait déjà démontré. Écrit dans un style alerte, ce volume enchantera les juristes, mais aussi ceux qui aiment réfléchir sur les fondements et le fonctionnement du droit. - J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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