Éloge du polythéisme. Ce que peuvent nous apprendre les religions antiques, trad. V. Pirenne-Delforge

Maurizio Bettini
Religioni - reviewer : Gauthier Kirsch
Même si l'écriture de cet essai est sereine, c'est bien une thèse engagée que l'A. entend défendre. L'idée consiste à mesurer ce qu'un retour à la conception antique de la religion pourrait apporter aux sociétés influencées par les religions juive, chrétienne et musulmane.
M. Bettini débute en tenant pour acquis que les sociétés issues de religions monothéistes sont par nature enclines à la violence de par leurs conceptions religieuses. La thèse en soi n'est pas neuve, et l'idée que les sociétés antiques ignoraient la violence religieuse ne l'est pas non plus. La démonstration de l'A., qui se base explicitement sur les idées pragmatistes du philosophe W. James, nous conduit, à travers des exemples tirés pour l'essentiel de l'histoire romaine, à comprendre que, pour les anciens, la religion était fondamentalement une émanation de la société et même de la communication linguistique. Les dieux romains faisaient partie intégrante de cette société, qui servait de repère pour construire les rapports avec eux. De même, la compréhension des religions des autres peuples se faisait sur la base d'un processus de « traduction-interprétation », parallèle à celui des langues.
Finalement, les religions, soigneusement cadrées et « traduites » entre elles, perdaient le potentiel de violence qu'elles auraient pu avoir sans cela. Et que les monothéismes issus de la Bible ont gardé, eux qui prétendent ne pas se soumettre aux sociétés antérieures et ne pas avoir d'équivalent dans les autres religions.
On voit bien, selon nous, les présupposés de l'auteur : la religion, interprétée à travers le filtre des sciences sociales au sens large, est réduite à un phénomène immanent à la condition humaine. La transcendance religieuse vraie, qui prétend atteindre une vérité absolue, est bien conçue comme porteuse d'une violence intrinsèque, car « inhumaine ».
Il est dommage que M. Bettini n'ait pas abordé un phénomène antique qui nous semble avoir beaucoup plus de pertinence pour analyser les concepts des religions monothéistes : la philosophie. N'y est-il pas question de transcendance, de vérité, de réforme de la société traditionnelle et même d'unicité divine ? Peut-être dans un autre livre ? - G. Kirsch

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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