Encore un enfant ? Une diatribe et un essai

Fabrice Hadjadj
Morale e diritto - reviewer : Alain Mattheeuws s.j.

Cette question à la fois interrogative et exclamative, est souvent évoquée dans la famille elle-même et entre amis et connaissances comme un reproche. Est-il possible que ces parents soient à ce point inconscients et peu maîtrisés ? Plus positivement, la question rejoint l’intimité de certains couples et des mamans qui se demandent si leur famille est vraiment complète telle qu’elle est et s’il ne faut pas continuer à l’agrandir ? Avec le style alerte et ouvert aux débats qu’on reconnaît à Fabrice Hadjadj, ce livre ne laisse pas indifférent.

Il est divisé en deux parties aux styles différents : d’abord un ensemble de questions et de réponses aux objections les plus communes à la fécondité, et ensuite une présentation plus spéculative sur l’accueil de l’enfant. « Ainsi après m’être attaché à défendre le fait d’avoir plusieurs enfants, je me demande s’il est bon d’en avoir même un seul » (p. 10). L’intérêt de la lecture est de voir comment l’A. critique une morale enracinée exclusivement sur le calcul et la prévision des conséquences de nos actes. Sans être « vitalistes », les propos nous mettent sur une belle piste : « notre chair est en avance sur notre esprit, notre rationalité doit accueillir l’élan de notre animalité pour être vraiment vigoureuse » (p. 11). Dans la concision de sa pensée, l’A. reste dans une affirmation provocatrice de certains courants contemporains.

Pourquoi avoir honte d’avoir des enfants ? Tant de gens s’excusent presque d’avoir engendré ? Un monde sans enfants est-il vraiment un « monde » et n’est-il pas voué à la mort ? Est-il expédient de se marier pour devenir un « sage » ? Devrons-nous avoir un « permis de procréer » ? Comment adhérer à ce nouveau slogan : « Faire l’amour, c’est faire la guerre, dès lors qu’on n’a pas recours à la contraception » (p. 34). Les statistiques démographiques sont-elles si sûres ? Les indicateurs environnementaux peuvent-ils servir de nouvelles lois-repères ? Ne faudrait-il pas renoncer à un vol transatlantique et avoir un enfant en moins pour être dans l’écologiquement correct ? Autant de questions et de thématiques qui sont le lit d’un refus de l’engendrement : l’A. en montre les contradictions.

Dans sa réflexion plus métaphysique, l’A. nous indique que « donner la vie à un mortel » est un acte courageux qui répond à une fragilité radicale. Personne d’entre nous n’a eu le pouvoir de venir à l’existence : cette altérité fondamentale des conditions de notre vie est un défi pour la liberté humaine. Il s’agit aussi de réconcilier le « bien et l’être » : le don de l’existence s’inscrit dans la durée de toute vie. Ainsi du gland au chêne ; ainsi de l’embryon à la personne qui révèle sa dignité et sa beauté.

Un autre argument original s’énonce quand il faut situer le corps par rapport à l’esprit. Si la rationalité de l’homme est « réduite » aux critères de certaines sciences particulières, nous perdons notre identité et l’originalité de notre richesse : c’est alors qu’il faut affirmer aussi qu’« il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse » (p. 100). À cette lumière de nombreuses questions pratiques et éthiques s’éclairent : souffrir pour ses enfants, éviter ou pas l’avortement, honorer père et mère. Car pour l’A., l’enfantement évoque directement la fragilité mortelle de toute vie. Ce lien est vital. À chacun de le vivre au mieux. L’enjeu est déjà le bonheur de l’être humain sur la terre. — A. Mattheeuws s.j.

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80