Dernier représentant de l'École d'Antioche, Théodoret, évêque de
Cyr, exégète et historien, compose, en 447, un traité de
christologie, sous la forme d'un dialogue apologétique, intitulé
Eranistes ou le Polymorphe. La joute oppose un prénommé Orthodoxe,
porte-parole de Théodoret, à un certain Eranistes, éponyme de tous
ces hérétiques qui, comme le souligne le prologue, «concoctent leur
doctrine polymorphe en rassemblant (eranizein) les enseignements de
beaucoup de méchantes gens». Parmi ces hérétiques, Théodoret vise
principalement, semble-t-il, l'évêque «monophysite» Dioscorus,
successeur de Cyrille sur le trône d'Alexandrie. Étalées sur trois
jours, les discussions ont pour thème trois dogmes, que l'épilogue
résume en trois propositions: le Verbe de Dieu est immuable;
l'union des deux natures est sans mélange; la divinité du Sauveur
est impassible. Comprenons: le Verbe immortel s'est fait chair
mortelle, tout en restant inchangé; l'humanité est assumée, et non
pas avalée par la divinité; le Christ, qui a souffert comme homme,
est demeuré impassible comme Dieu. Chacun de ces trois entretiens,
émaillés d'innombrables citations bibliques, est corroboré par une
luxuriante anthologie patristique, dont de nombreux extraits ne
nous sont pas autrement connus; le grand hérésiarque Appolinaire
lui-même y est appelé en soutien de la position orthodoxe.
Remarquons au passage la manière dont Théodoret a recours à la
typologie: Moïse, en tant que médiateur, est le symbole du Christ;
Isaac et le bélier en représente les deux natures. Sans réaction
vis-à-vis de la condescendance d'Orthodoxe («mon brave homme…»),
Eranistes se déclare convaincu par le sérieux de ses syllogismes et
l'abondance des témoignages. Le texte se lit fort agréablement: le
traducteur, qui a également produit la préface, a réussi à garder
aux dialogues leur style oral familier. - P. Detienne, S.J.