On retrouve la perspective très nette d'ontologie morale dans le remarquable ouvrage fondamental intitulé L'élargissement de la métaphysique, qui est un chef-d'oeuvre. On pressent d'emblée que l'A. a concentré dans ce livre l'aboutissement d'une vie de recherches et de pensée, et le résultat en est l'une des meilleures contributions métaphysiques en langue française depuis Grondin et Léonard. Commençons par évacuer les questions qui fâchent: nous ne partageons pas l'avis de l'A. selon qui «l'actus purus» serait un synonyme de la fatalité, ni celui selon lequel le questionnement de la «nécessité» de l'Être nuirait à l'ontologie (p. 9). Sur ces questions, une meilleure connaissance des développements récents de la métaphysique thomiste post-heideggerienne (André, Siewerth, Ulrich, Beck, Puntel) aurait permis à l'A. des développements assez différents et une tout autre saisie de ce que l'acte pur signifie en termes de «nouveauté et de singularité» (p. 10). Mais une fois cette réserve faite, comment ne pas donner crédit à l'immense effort spéculatif fait par M. Vetö pour renouveler de fond en comble le questionnement et la fondation de la métaphysique en tant que telle à partir d'une double inspiration, post-kantienne et chrétienne? La perspective imposante de l'A. est une logique monumentale du Sens, qui élève au niveau d'une eidétique du temps et de l'espace la «puissance du neuf» et du singulier, pour s'achever dans une métaphysique de la volonté: «l'ontologique et l'éidétique s'écrivent certainement selon deux grammaires différentes, mais elles finissent par se réconcilier dans l'oeuvre de la volonté» (p. 13). Dans cette métaphysique, qui s'épanouit en philosophie de l'amour sur les traces de Gondos et de Weil, s'ouvre et se tend pour ainsi dire la polarité de l'être et l'essence qui s'élargissent l'un l'autre. Cette vue grandiose s'achève sur une philosophie de la création ou du «don véritable», auquel répond un «consentement» (p. 43), dans l'angle d'un «soi, principe et source d'écoulement, de diffusion, de même que d'autres soi pour accueillir et recueillir son courant» (p. 440). On ne sous-estimera pas l'importance philosophique de ce grand livre, dont la difficulté spéculative réelle ne doit pas rebuter des lecteurs en quête d'un regard métaphysique renouvelé et particulièrement rigoureux. - E. Tourpe
On retrouve la perspective très nette d'ontologie morale dans le remarquable ouvrage fondamental intitulé L'élargissement de la métaphysique, qui est un chef-d'oeuvre. On pressent d'emblée que l'A. a concentré dans ce livre l'aboutissement d'une vie de recherches et de pensée, et le résultat en est l'une des meilleures contributions métaphysiques en langue française depuis Grondin et Léonard. Commençons par évacuer les questions qui fâchent: nous ne partageons pas l'avis de l'A. selon qui «l'actus purus» serait un synonyme de la fatalité, ni celui selon lequel le questionnement de la «nécessité» de l'Être nuirait à l'ontologie (p. 9). Sur ces questions, une meilleure connaissance des développements récents de la métaphysique thomiste post-heideggerienne (André, Siewerth, Ulrich, Beck, Puntel) aurait permis à l'A. des développements assez différents et une tout autre saisie de ce que l'acte pur signifie en termes de «nouveauté et de singularité» (p. 10). Mais une fois cette réserve faite, comment ne pas donner crédit à l'immense effort spéculatif fait par M. Vetö pour renouveler de fond en comble le questionnement et la fondation de la métaphysique en tant que telle à partir d'une double inspiration, post-kantienne et chrétienne? La perspective imposante de l'A. est une logique monumentale du Sens, qui élève au niveau d'une eidétique du temps et de l'espace la «puissance du neuf» et du singulier, pour s'achever dans une métaphysique de la volonté: «l'ontologique et l'éidétique s'écrivent certainement selon deux grammaires différentes, mais elles finissent par se réconcilier dans l'oeuvre de la volonté» (p. 13). Dans cette métaphysique, qui s'épanouit en philosophie de l'amour sur les traces de Gondos et de Weil, s'ouvre et se tend pour ainsi dire la polarité de l'être et l'essence qui s'élargissent l'un l'autre. Cette vue grandiose s'achève sur une philosophie de la création ou du «don véritable», auquel répond un «consentement» (p. 43), dans l'angle d'un «soi, principe et source d'écoulement, de diffusion, de même que d'autres soi pour accueillir et recueillir son courant» (p. 440). On ne sous-estimera pas l'importance philosophique de ce grand livre, dont la difficulté spéculative réelle ne doit pas rebuter des lecteurs en quête d'un regard métaphysique renouvelé et particulièrement rigoureux. - E. Tourpe