Gesù il Maestro interiore, pref. Dalai Lama, pres. card. Piovanelli, tr. C. Gaini Rebora

L. Freeman
Spiritualità - reviewer : Etienne Rousseau
Disons-le d'emblée, le livre de L. Freeman nous emmène vers le profond, le plus profond. Il nous invite à le suivre dans l'évocation de sa relation à Jésus Christ, le «maître intérieur», éducateur d'une manière de vivre selon une heureuse nouvelle - la nouveauté de l'amour inconditionnel d'un Père de qui il reçoit une expérience-Abba unique, celle d'un vivre ensemble entre frères où de la grâce puisse aider à sortir du donnant-donnant et faire du neuf -, et que nous nous attablions pour communier à la Parole qu'il est, la savourer et la laisser refaire nos forces.
L.F., responsable de la Communauté mondiale des méditants chrétiens (WCCM), entreprend ici un dialogue avec les différentes traditions de conviction et de prière, évoque saint Paul, Simone Weil et Julienne de Norwich, pour cueillir auprès d'eux des fleurs de silence et de méditation. Ce n'est pas un hasard si le Dalaï Lama lui fait l'amitié d'une préface. L'éminente icône d'une non-violence rayonnante - et d'un refus radical d'imposer ses convictions à quiconque - apprécie dans le christianisme «le sens de la communauté et de la responsabilité sociale» (p. 12). L'enjeu d'un «suivre Jésus», comme d'une réponse à son «pour toi, qui suis-je?», est de forger une réponse personnelle. De la ciseler ou mieux, de la laisser advenir d'un coeur devenu «simple», rendu simple par la pratique du silence et de la méditation.
La question est là, à nous parvenue avec l'écho de tentatives séculaires de donner «la» réponse. Si cette dernière est simple, elle n'est pour autant pas facile à trouver. En effet, si nous décidons d'écouter et de répondre à l'appel de Jésus, toute notre manière de vivre, de penser, de ressentir, sera transformée de fond en comble. L'enjeu n'est pas ici, on s'en doute, de promouvoir «son» Jésus, celui qui habite - quoi qu'il en veuille - l'imaginaire de chacun, mais d'accueillir celui qui «se tient à la porte et qui frappe». Jamais il ne s'imposera, ni ne forcera la porte du coeur et de la conscience. C'est de ce lieu privilégié - la chambre haute - que peut surgir, comme une source, la réponse intime que nous seuls pouvons formuler. Et cela se réalise essentiellement en renonçant à toute emprise affective ou mentale; une réponse cordiale, en passant, transforme insensiblement et convertit actions, paroles et pensées.
À la suite de John Main, qui l'initia à la méditation selon une tradition que Jean Cassien lui-même avait héritée des Pères du désert d'Égypte, L.F. ne propose pas un lexique de mots nouveaux pour soutenir la prière. Il déploie sous nos yeux une grammaire tellement ancienne, et cependant radicalement neuve. Il s'agit de répéter sans se lasser le mot sur lequel se clôt (s'ouvre,) le Livre : Maranatha, viens Seigneur!, et de laisser à ce point cette parole se dire que même dans la distraction, jusque dans le sommeil, elle irradie le coeur et se parle plus profond que les mots, creuse le sillon d'un silence où se reçoit un oui à la joie d'aimer et de se laisser aimer.
C'est au coeur de ce coeur qu'une communion fondamentale se célèbre. Les fruits que le méditant en cueillera seront joie, paix, bienveillance pour les êtres (cf. Ga 5). Oui, il est bien question de tendre vers une disponibilité, à l'Autre et aux autres. Le plus beau cadeau qu'on puisse offrir à autrui - c'est d'une manière encore plus prégnante le lot de qui désire devenir disciple du Christ - est de devenir soi-même, de connaître qui on est, de se présenter tel que l'on est, d'advenir à son être propre. La réponse au «pour vous, qui suis-je?» ne se conquiert pas par la force d'une conviction ou l'intensité d'une prière; elle se reçoit de plus grand, se laisse surgir de plus intime à soi que soi-même. Cheminant sur cette Voie, le disciple peut s'offrir en espace de communion, comme une oasis de silence; il peut faire cadeau de qui il devient au contact de l'Évangile.
L'A. ne se propose pas de nous décrire «qui est» ce Jésus. Il nous entraîne dans sa conviction que nous ne saurons répondre à cette demande qu'en nous laissant purifier par une écoute longue et profonde. Libérés de nos images - pour ce faire, il convient de briser les miroirs qui empêchent de le regarder Lui -, laissant s'en aller la prétention à avoir compris, mais pas du désir incessant de L'accueillir et de Le reconnaître, nous pourrons devenir témoins. Non pas hérauts d'une profession de foi qui convainque par une cohérence intellectuelle, mais plutôt signes que la nouveauté de l'Évangile peut être pour chaque être, joyeuse nouvelle. Oui, Maranatha, viens Seigneur, fais-nous la grâce de pouvoir te prier! - Ét. Rousseau.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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