Dans cette Route des épices de la foi au titre
énigmatique, Thomas Mooren propose, en empruntant aux premiers
explorateurs portugais le terme de roteiro, une sorte de journal de
voyage à travers les religions; il est à la recherche des pierres
d'attente d'une missiologie narrative. Dans ce but, ses chapitres
partent du point de départ des navigateurs portugais franchissant
les limites du monde méditerranéen. Ce fut ensuite la
circumnavigation autour de l'Afrique, puis la découverte de l'Inde
et de l'Extrême-Orient, enfin celle des autres Indes, l'Amérique du
Sud. Le voyage de l'A. s'achève à Tahiti, avec la rencontre de Paul
Gauguin, dont l'art est un modèle d'inculturation réussie. Ce
roteiro vise en effet un triple but: être un journal de voyage
décrivant le trajet parcouru avec tout ce qu'il présente de
caractéristique dans les paysages, les arts, la littérature etc.;
noter au passage la pertinence missiologique des diverses étapes;
être en même temps, comme essai de missiologie narrative, un
parcours où chacun, au nom de sa foi, condition indispensable de
cette démarche, suive en quelque sorte sa propre «route des
épices». Il s'agit en effet pour chacun, poussé par la force
attractive de l'inconnu, de s'avancer vers Celui qui est encore,
pour une très large part, un inconnu: le Christ tel qu'il se révèle
chaque fois de façon neuve dans les circonstances et les formes
d'une autre culture, d'une autre religion. Un bilan final recueille
ces découvertes. Il montre la nécessité et la difficulté d'une
réelle inculturation. Celle-ci ne peut être une pure transposition
intellectuelle d'un système de pensée dans un autre, car elle
implique une expérience existentielle avec ses risques, ses essais
et ses faux pas. Et ceci expose nécessairement à la critique de
tous les fondamentalistes, pour qui la foi s'est «pétrifiée» dans
les mots qui l'expriment. L'A. note que ce défaut n'est pas
l'apanage des seuls conservateurs, il existe aussi, bien que moins
remarqué, un fondamentalisme progressiste, pour lequel seul ce qui
est nouveau est digne d'intérêt. Car plus une religion ressent une
perte de puissance, plus grande y est la tentation du
fondamentalisme.
Ce parcours original et intéressant ouvre de splendides
perspectives à ceux qui accepteront de s'engager sur cette route. -
L. Renwart, S.J.