Comment penser aujourd'hui le rapport entre incarnation et
résurrection de Jésus? P.D. Molnar, prof. de théologie systématique
à St. John's University, Queens, N.Y., spécialiste de Karl Barth,
nous mène, à travers un remarquable ouvrage, à la découverte de
quelques théologiens modernes qui ont abordé ce difficile problème.
On en devine l'importance: le double événement historique de
l'« entrée » du Fils de Dieu en notre monde et de sa
« sortie » vers le Père toucherait-il Dieu lui-même ou
bien serait-ce le résultat d'une élaboration de la foi des premiers
chrétiens?Or notre christologie dépend de la manière dont nous
concevons la Trinité -immanente, c'est-à-dire en elle-même, et
économique, c'est-à-dire dans l'histoire humaine du salut -. En fin
connaisseur, l'A. nous fait visiter quelques grands théologiens de
notre époque qui prennent la parole après Bultmann. Il interroge
d'abord longuement Karl Barth avec lequel il se trouve en
connivence profonde. Il se tourne ensuite vers Karl Rahner dont il
analyse la christologie avec laquelle il s'accorde pour
l'essentiel, tout en émettant quelques divergences, et il examine
la théologie de Thomas F. Torrance qu'il accueille avec
bienveillance; comme pour les auteurs précédents, il évalue la
manière dont il conçoit les différents mystères de la vie du Christ
mentionnés par les évangiles. Faisant alors un premier bilan de son
enquête positive, il compare la façon dont chacun des auteurs lie
incarnation et résurrection. En contrepoint, il nous fait alors
découvrir d'autres théologiens avec lesquels il manifeste un ferme
désaccord: soit ils penchent vers le docétisme, soit ils reprennent
une position ébionite. Ainsi évoque-t-il les christologies de John
Masquarrie et Paul F. Knitter, puis celles de Gordon Kaufman et de
sa disciple Sallie McFague qui, emboîtant le pas à Bultmann,
renvoient l'incarnation et la résurrection dans le domaine de la
mythologie (le corps de Dieu?), sans leur concéder une réalité
objective; ces mystères sont pour eux de l'ordre de l'expérience
subjective de la foi. L'A. poursuit en examinant encore les
positions de Roger Haight et John Hick, chez qui Jésus apparaît
comme «symbole de Dieu»; la résurrection n'existe pas comme fait
d'histoire et se réduit à une fonction éthique chez le croyant.
Finalement, l'A. aborde Wolfhart Pannenberg et sa «christologie
d'en-bas» qui part de l'homme Jésus. Il tire enfin quelques
conclusions de son enquête et revient à la théologie traditionnelle
après qu'elle ait été ainsi confrontée aux perceptions
« modernes » qui font de la personne de Jésus une
élaboration théologique sans vraie réalité dans l'événement de
l'histoire (un theologoumenon?). Les notes relatives à
chaque chapitre se trouvent en fin de volume. Cette impressionnante
étude manifeste la profondeur de la pensée de l'A. et sa capacité
d'évaluer les arguments qui font face à l'interprétation des
conciles. Il ne manquerait qu'une confrontation avec l'oeuvre du P.
Joseph Moingt, jésuite: L'homme qui venait de Dieu, 1993 et Dieu
qui vient à l'homme, 3 vol., 2002-2007 qui ont fait l'objet d'un
article dans la revue (cf. NRT 132 [2010] 24-44). Elle
nous pose une question fondamentale: jusqu'où va l'implication et
l'engagement de Dieu dans la réalité humaine et en quoi l'homme et
la femme ont-ils quelque chose à voir avec l'incarnation du Verbe
et la résurrection de Jésus, homme et Fils de Dieu? Merci à l'A. de
nous aider à penser notre foi de façon courageuse et solide. - J.
Radermakers sj