Kant et Spinoza. Rencontre paradoxale

Carl R. Bolduc
Filosofía - reviewer : Jean Burton s.j.
L'introd. avoue le paradoxe : « Apparemment, et de l'avis d'un grand nombre de philosophes kantiens comme spinozistes, il n'existerait pas entre eux une évidente familiarité » (p. 9). Les deux biographies ne se recouvrent pas : Spinoza (1632-1677), Kant (1724-1804). La question est alors de repérer les indices qui permettraient de suggérer une « évidente familiarité » entre les deux penseurs ou du moins « une convergence certaine ». On la repère surtout dans la position des deux philosophes à propos du rapport entre la religion et la morale : « Chacun considère que la pure source de la religion révélée est une foi uniquement pratique universellement présente en tout homme quel qu'il soit » (p. 134). Ce n'est pas la seule « similitude » entre Kant et Spinoza. L'A. documente sa thèse par l'examen de trois problèmes : la légitimité de la liberté de philosopher dans un contexte où l'État n'accorde pas ou peu de place aux philosophes en tant que propagateurs des Lumières ; une morale fondée non sur la volonté d'un Dieu transcendant, mais sur la seule autonomie humaine en tant qu'elle s'exprime par l'esprit humain ; l'herméneutique biblique, « « véritable instrument de guerre » contre la superstition (…) mais aussi [pour] saper les fondements idéologiques de la théologie biblique traditionnelle sur lesquels le pouvoir politique (…) s'appuie pour empêcher toute pensée libre de s'exprimer publiquement (…) » (p. 10). Ce sont les problèmes où l'on peut déceler, chez Spinoza, une anticipation des thèses que défendra Kant. Ce dernier aurait « reconstruit la pensée de Spinoza de manière à exorciser son propre spinozisme » (p. 10). Les données qui argumentent cette position recourent, en plus de la comparaison directe (peu abondante dans l'oeuvre de Kant et qui serait en faveur de sa relative indépendance) à la correspondance où il s'exprime plus librement à propos de Spinoza. Rencontre paradoxale… dont la double postérité conjuguée influence les positions qui sont les nôtres en ce siècle de l'autonomie du sujet souverain, du « Règne de l'homme » (R. Brague, 2015). On peut le penser,car le débat examiné signale un débat théologico-politique (sujet de la thèse doctorale de l'A.) sur le statut « post-moderne » de la liberté individuelle et de son lien avec la possibilité du « vivre-ensemble » des sociétés. - J. Burton s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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