La vie, les oeuvres et les enseignements de Maître Eckhart sont de
mieux en mieux connus, étudiés et appréciés. L'originalité de ce
petit volume est, par delà les distances dans le temps et l'espace,
d'engager des conversations entre le maître de l'école mystique
rhénane et des figures philosophiques et spirituelles très
différentes. Si l'on a plus d'une fois exploré les relations entre
Eckhart et Heidegger, il est plus étonnant à première vue de
proposer «une tentative de rapprochement entre le propos eckhartien
et l'intention du fondateur de la phénoménologie», E. Husserl;
c'est pourtant ce que tente brillamment S. Bongiovanni (Institut
Aloysium, Padoue) en reconnaissant la liberté essentielle de la
pensée comme un lieu fondamental commun à ces deux penseurs et en
esquissant un parallèle entre le «je pur» de Husserl et l'«homme
pauvre» d'Eckhart, avant de suggérer un «passage»: de la réduction
au 'je' à la réduction du 'je'. - G. Jarczyk et P.-J. Labarrière
(Centre Sèvres, Paris) orientent ensuite le lecteur en direction de
Hegel et de la tradition dialectique, ce qui permet en retour de
mieux reconnaître «la visée décidément onto-logique d'un Maître
Eckhart, pour qui l'être n'est lui-même que dans le mouvement de
son propre devenir». Dès lors qu'ils traitaient longuement du
Sermon 86, à propos de Marthe et Marie (p. 78-83), il eût été
intéressant de prendre en compte les interprétations d'un penseur
bouddhiste japonais contemporain, Shizoteru Ueda. - Enfin, B.
Vermander (Institut Ricci, Taipei) s'essaie à une «lecture
conjointe» d'Eckhart et de textes de la tradition taoïste antique:
Laozi (ou Lao tseu) et Zhuangzi (ou Tchouang tseu). Plus
précisément, pour ce faire, il reprend une par une les huit
strophes du Poème d'Eckhart qui figure en tête de ce petit livre et
lui donne un titre («L'anneau immobile») qui scande son déploiement
(8, 68, 111). - J. Scheuer sj