L’expérience commune d’incarnation. Comprendre Georges Morel. Penser chalcédoine

Claire-Anne Baudin
Teologia - reviewer : Pascal Ide

Dans cette thèse devenue un volumineux ouvrage, l’intention de Claire-Anne Baudin, laïque enseignante au Centre Sèvres, est audacieuse : demander à un philosophe et théologien qui s’est opposé frontalement à Chalcédoine de mieux le comprendre. Pour cela, il s’agit de transformer l’objection en une question.

Georges Morel (GM), entré dans la Compagnie de Jésus à 21 ans en 1941, devra la quitter en 1976 (p. 211) et se mariera. Mais l’ouvrage s’attarde très peu sur ces questions biographiques (p. 186s), pour se centrer sur la seule question théologique. La raison profonde qui l’a conduit à nier la divinité du Christ et qu’explore la thèse est la suivante. Des trois trilogies au dernier livre, Le Signe et le singe, il combat le nihilisme qui en son essence est un dualisme désincarné et aliénant. Autrement dit, ce que GM a toujours refusé est une emprise de Dieu sur l’homme. Or, la confession chalcédonienne assujettit, selon lui, la nature humaine à la nature divine, donc nie la relation d’amour. D’ailleurs, GM ne cessera de voir cette tendance à la subordination dans le christianisme historique et au sein de l’Église. Voilà pourquoi il a fini par nier que le Christ puisse être Dieu.

L’A. ne s’arrête pas là et, partant de l’objection de GM, y répond avec la théologie rahnérienne de l’autocommunication qui permet de penser l’union hypostatique comme relation et relation d’amour, donc sans accaparement : « Il n’y a pas d’assujettissement parce que Dieu est l’Amour et que l’amour est discret » (p. 535). Aussi peut-on parler d’un « Morel formellement hérétique et subjectivement chrétien » (p. 509).

Comment ne pas saluer la générosité, voire l’empathie de la démarche ? Mais comment ne pas interroger d’abord le refus de porter un jugement – non sur la personne, bien entendu, mais – sur la pensée (p. 361) ? Le Christ qui enseigne la vérité est aussi celui qui récuse l’erreur et donc la nomme (cf. Jn 8,1-11). Ensuite, la réponse de Rahner ne doit-elle pas s’enrichir d’une métaphysique de la participation qui montre comment l’autonomie de la cause seconde ne s’oppose pas, mais se reçoit de l’hétéronomie reçue de la cause première ? Enfin, ne peut-on aussi s’interroger sur une formation philosophique qui, heureusement ouverte à notre monde, se met presque exclusivement à l’école de Hegel et de Nietzsche ? — P. Ide

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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