L'homme passe l'homme, suivi de Itinéraire

M. Zundel
Filosofía - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Prêtre suisse jugé trop progressiste et indésirable par son évêque, M. Zundel (1897-1975) mena une vie de prédicateur itinérant en France et à l'étranger. Paul VI le réhabilita en l'invitant à prêcher une retraite au Vatican. Zundel répond aujourd'hui à l'attente d'un large public et l'on édite ou réédite tous ses écrits.
C'est pendant ses études de philosophie à Paris qu'il fut dégoûté par la philosophie scolastique desséchante, faite de définitions et de raisonnements déductifs qui laissent froid. Qui pouvait être converti par des «preuves de Dieu» construites sur ce type? Il décida de chercher par lui-même une philosophie bâtie sur son expérience profonde de la liberté. Ce sont les Confessions de saint Augustin qui le mirent sur la voie en parlant de «Dieu plus intérieur à nous-même que nous-même». Durant la guerre, il réside en Égypte où il est arrivé en 36 et, dans la pleine force des ses moyens, il parle de son itinéraire intérieur et de ses découvertes, d'abord à des adultes dans L'homme passe l'homme (1943), puis à des chefs, cheftaines et grands scouts dans Itinéraire (1946). Des deux côtés, c'est le même thème, mais dans l'état où il se trouve à quelques années de différence et un peu simplifié pour le groupe de jeunes. Zundel sait que sa pensée est inhabituelle et malaisée à saisir par le grand public, aussi demande-t-il lui-même, dans ses préfaces, de le lire une première fois sans trop s'arrêter aux difficultés et puis de relire avec la lumière acquise dans la première lecture.
Zundel ne se contente pas d'enseigner à des auditoires passifs, il veut encore les aider à refaire pour leur compte et à leur manière son expérience de la liberté. N'oublions pas que nous sommes à la grande époque de Sartre, qui proposait aussi sa liberté, une liberté vide, ses but, pour elle-même. Zundel, lui, a retrouvé dans sa liberté, toutes les grandes valeurs de la philosophie thomiste et de la théologie et la propose sans prétention. Trois pages d'«Itinéraire» résument sa découverte: «La véritable liberté… consiste à être libre de soi, en devenant par là-même libre de tout. C'est l'être à l'état de don, l'être transformé tout entier en élan d'amour. Ce qui n'est concevable qu'en face d'une valeur qui est le Don-même, … infini, … subsistant et, partant, la suprême liberté…». «La liberté ainsi comprise… résume et inclut toutes les valeurs humaines… sous le signe de la gratuité, toutes réalisées par le don de soi…». Notre être se révèle relatif, limité, mais tendu vers une transcendance qui exige de nous un dépassement vers une plénitude d'existence». «On voit alors que la liberté est la raison suprême d'être de tout ce qui existe» (434-8 passim).
C'est par étapes que l'A. est arrivé à cette conclusion, en partant des sciences physiques qui renoncent de plus en plus au simple déterminisme depuis la découverte des quanta et de l'indétermination dans les éléments atomiques. De la liberté, il tire une morale et il s'aventure même à proposer un plan d'économie universelle pour améliorer les conditions matérielles des individus, ou encore une chasteté où «l'amour trouve la plus haute révélation de lui-même». On voit qu'il a été fort marqué par la pensée existentielle de Pascal auquel il a emprunté son titre L'homme passe l'homme (Pensées, Br. 434).
Livre très riche qui interpelle tout croyant et tout homme, mais aussi livre exigeant comme l'est toute pensée originale qui atteint les profondeurs de l'homme et Dieu même. - B. Clarot sj

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80