L'iconographie de la Sainte Trinité des catacombes à Andreï Roublev

Gabriel Bunge o.s.b.
Arte e letteratura - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Pour nous faire comprendre l'icône de la Sainte Trinité d'A. Roublev, G. Bunge, ermite bénédictin suisse, doit reprendre l'évolution des icônes trinitaires depuis les origines chrétiennes. Nombreuses en effet en ont été les interprétations et ce détour par la mentalité de l'époque s'avère nécessaire pour fonder une analyse sérieuse. Dans une image trinitaire, on s'attendrait à trouver l'illustration du Credo qui place le Père au centre et le Fils à sa droite. Pourquoi pas ici? Parce que le sens de cette icône a évolué: d'abord simple représentation de la visite de trois anges à Abraham (Gn 18), puis préfiguration du sacrifice du Christ (devenu personnage central) et enfin, au XIIIe s., symbole trinitaire où le Christ conserve sa place devenue «traditionnelle ». La grande icône (142x112 cm) d'A. Roublev (1370-1430) fut peinte entre 1411 et 1420 par le moine-peintre pour illustrer la fête de la Pentecôte dans l'iconostase du monastère de la Trinité fondé au XIVe s. par saint Serge. Son sens est donc double, pentecostal et trinitaire, car les Russes fêtent la Trinité à la Pentecôte. Roublev voulut innover tout en respectant la tradition. Il réussit magnifiquement et sobrement à exprimer les relations intra-trinitaires de Dieu dans ses rapports avec nous, tout en signifiant la Pentecôte. Les personnes, jeunes, ont toutes le même âge, mais les couleurs des vêtements signalent déjà les différences: pourpre royale pour le Fils au centre, pourpre claire du Père à gauche et, pour l'Esprit, vert, qui est la couleur liturgique pentecostale chez les orthodoxes. Bien que le Fils reste au milieu, la scène est centrée sur le Père, à notre gauche. Le Fils s'incline vers lui et désigne l'Esprit avec son index (le second doigt fut ajouté par un restaurateur); Le Père accepte et envoie l'Esprit en le bénissant de deux doigts, et l'Esprit s'incline devant le Père pour accepter (Jn 14,16). Derrière les trois Personnes, le paysage confirme cette interprétation: la maison du Père (Jn 14,2), l'arbre de la croix, le rocher (originellement fendu) dont Moïse fit jaillir l'eau (Ex 17; Jn 7,8). La table est devenue un autel avec un calice contenant une tête de veau, symbole du sacrifice du Christ, et le devant contient un creux pour les reliques de l'autel; en fait, Roublev montre la face arrière de l'autel par rapport au peuple. Le succès de ce chef-d'oeuvre fut tel, qu'en 1551, un concile russe le «canonisa » en le donnant comme modèle obligatoire pour toutes les icônes futures sur la Trinité. G. Bunge expose pas à pas son interprétation en l'éclairant de textes liturgiques orthodoxes avec photos à l'appui. Le préfacier orthodoxe, S.S. Averintchev, avoue que ce livre est le meilleur ouvrage sur la question et s'étonne qu'un moine catholique ait si bien perçu l'âme orthodoxe russe et son contexte historique. Cet éloge doit nous suffire pour recommander cet ouvrage. - B. Clarot, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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