La chance d'un christianisme fragile. Entretiens avec Yves de Gentil-Baichis

Albert Rouet
Liturgia e pastorale - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Il y a 60 ans, le P. Beirnaert écrivait un article retentissant: Pour un christianisme de choc, alors qu'aujourd'hui Mgr Rouet, évêque de Poitiers, parle de la Chance d'un christianisme fragile. Les temps ont bien changé. Interrogé par Y. de Gentils-Baichis, il aborde sept domaines: le foisonnement religieux, une Église qui montre sa fragilité, la croyance en Dieu, la morale, la place des femmes, la destination des biens et comment il voit l'avenir. Mgr Rouet a pas mal d'idées et il ose les exprimer pour le bien de l'Église qu'il aime. C'est cet amour profond qui lui permet d'être critique sur certains points importants.
Voici quelques-unes de ses positions: «J'aimerais une Église qui ose montrer sa fragilité, … ne cachant pas qu'elle ne sait pas tout et qu'elle aussi se pose des questions.» Trop de gens cherchent Dieu hors de l'Église parce qu'elle préfère donner des réponses plutôt qu'écouter les questions. Le croyant apparaît souvent comme un sectaire. La manière de dire la vérité est aussi importante que le contenu. Les décisions de l'Église paraissent absolues, sans nuances, indiscutables. Elle parle trop de la vie sexuelle alors que l'Évangile en parle peu. Elle a trop la hantise de la déviance. Il faut croire au Christ à travers son Église et ses faiblesses, car Dieu passe à travers nos péchés. L'Église perd de sa crédibilité en se montrant trop maîtresse et puissante. Elle insiste trop sur la morale naturelle surtout en matière sexuelle, alors qu'elle est trop prudente dans la morale sociale et, en ce domaine, laisse presque tout à l'appréciation de chacun.
À la limite, une morale de règles serait immorale en éliminant les choix libres. La morale doit indiquer des pistes à suivre et inviter à avancer sur ces pistes. La vraie morale engendre des actes créateurs, libres, et une possibilité de se tromper. Pour les femmes, il y a le problème du pouvoir dans l'Église à tous les niveaux. Mgr Rouet ne voit pas les femmes prêtres, car le prêtre signifie le Christ, Époux de l'Église… Les femmes partagent de plus en plus le gouvernement des paroisses. L'Église a toujours eu un langage commun à celui de son temps; aussi, aujourd'hui, le moment est venu de changer de langage. Au lieu de condamner les prêtres qui optent pour les pauvres, l'Église devrait les aider à réfléchir pour trouver des solutions vraiment chrétiennes. Elle a besoin de chrétiens de conviction et pas de simples pratiquants.
Comment préparer l'avenir? Pour remédier au manque de prêtres, Mgr R. confie les paroisses de son diocèse à des équipes de cinq laïcs aidés de dix à vingt personnes. Un prêtre accompagne chaque groupe de base mais laisse chacun d'eux se prendre en charge. Oser faire confiance aux gens, car ils sont plus créatifs qu'on ne croit. Mais il faut bien préciser les rôles des prêtres et des laïcs. Le prêtre aide les animateurs à relire leurs choix à la lumière de l'Évangile, veille à l'union entre les équipes et relance la mission. Il est interdit à ses prêtres de dire plus de trois messes par week-end. Les dimanches sans prêtre, les chrétiens sont invités à prier en communauté sans courir à une messe ailleurs. Plus les laïcs ont de responsabilités, plus le prêtre retrouve son vrai rôle. L'Église est restée trop pyramidale. La peur pousse à devenir des hommes de pouvoir au lieu de chercher à faire exister les autres. L'Église a trop insisté sur la doctrine au détriment de la charité et de la conscience. Que l'Église aide les hommes à faire l'expérience de la bonté de l'Évangile qui apporte la liberté. Cette expérience est capitale pour devenir vraiment chrétien.
Espérons que ces quelques perles encourageront à lire ce livre riche et courageux, critique et constructif. - B. Clarot, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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