Véronique Albanel, présidente du Service jésuite des réfugiés (JRS) de France, donne ici un plaidoyer nuancé en faveur de la restauration de la fraternité à l’égard des migrants qui cherchent refuge sur le sol français. Nos peurs sont évoquées d’emblée, d’abord à l’égard de la mort, puis des migrations et, finalement, du « grand remplacement », cette théorie lancée par Renaud Camus qui prédit que, en deux ou trois générations, les migrants d’Afrique auront pris la place des populations de souche sur le sol européen. Ces peurs engendrent une logique de soupçon à l’égard des migrants et, bientôt, une atteinte à leur dignité et une violation de leurs droits fondamentaux. Cherchant les raisons de cette peur dans notre impensé, l’A. évoque tour à tour le choc des civilisations (S. Huntington), la dialectique ami-ennemi (C. Schmitt), le racisme (la malédiction de Cham) et les inégalités (J.-J. Rousseau) qui rendent apparemment impossible la fraternité entre les humains. Mais, en son dernier chapitre, l’A. espère retrouver la fraternité dans le partage d’une commune humanité. S’appuyant sur les expériences positives de la rencontre de l’étranger, menées en particulier au sein du JRS-France, l’A. veut affronter patiemment les obstacles qui se dressent sur cette route : sentiment d’impuissance, primat de l’économie, clivages dans l’opinion, menaces sur l’identité. Rien n’est simple, certes, mais l’homme au « cœur intelligent » parviendra à concilier la nécessaire fraternité universelle avec la tout aussi nécessaire fraternité citoyenne, pourvu qu’il reste humble, attentif à ses propres limites et patient à l’égard des limites des autres, celles de l’Église, ou du secteur associatif ou de l’État. Tandis que les chrétiens trouveront dans leur foi l’énergie spirituelle pour élargir leur fraternité, l’A. met en valeur une laïcité authentique qui permet d’unir les deux fraternités, chrétienne et républicaine. Un bel appel à la générosité réaliste. — X. Dijon s.j.