La pensée du sensible. Approches esthétiques, historiques et théologiques

(dir.) Denis Hétier (dir.) Véronique Vassal
Teologia - reviewer : André Haquin

Le dialogue interdisciplinaire a beaucoup progressé depuis un siècle. Ainsi, la théologie et l’exégèse biblique croisent volontiers l’approche artistique de la Bible, grâce à la peinture, la musique ou la littérature. On a pu parler d’une « exégèse artistique ». Le peintre et le musicien apportent leurs variations propres à la mélodie esquissée par l’exégète. De même, le théologien entre en dialogue avec le philosophe ou le poète, parfois même avec la personne à qui l’expérience mystique a été donnée. Les auteurs du Moyen Âge en étaient convaincus : la connaissance intelligible passe par les sens et la corporéité humaine : Nihil in intellectu nisi fuerit prius in sensu. Les sacrements du salut eux-mêmes ne sont-ils pas habités par la réalité transcendante qu’ils donnent à « voir », grâce aux yeux de la foi, ouverts au baptême ? Dans cette rencontre, l’anthropologie et la phénoménologie s’entretiennent avec le donné de la foi. Ces moments de grâce, portés par un ardent désir, sont cependant toujours éphémères, en quête d’une unité parfaite dont l’âme et le corps disent l’inachevé.

Les Actes du colloque de Paris (18-20 mars 2021) organisé par Denis Hétier, responsable de l’Institut Supérieur de Théologie des Arts (ISTA) et Véronique Vassal, directrice du Département d’Histoire de l’Art de l’Institut Catholique de Paris, en livrent une belle illustration, grâce à la vingtaine de contributions érudites des professeurs de ces institutions et de leurs invités. Dans une première partie, il est question de l’« expérience du sensible » depuis l’Antiquité et le Moyen Âge jusqu’à l’époque moderne et contemporaine. La peinture romane à la cathédrale d’Auxerre montre un Christ cavalier, proche des scènes de l’Apocalypse, dont la Seigneurie se dévoile petit à petit, à partir d’autres images et des sources écrites. L’architecture romane et gothique témoigne également, par son accueil de la lumière (Suger à Saint-Denis), de l’expérience du divin offerte à celui dont la sensibilité est en éveil. Il en va de même pour le monde des couleurs qui « donne à penser » (Michel Pastoureau). L’expérience mystique n’est pas en reste ; elle se dévoile sur les images des églises (Saint-Joseph des Carmes, Paris) dont la lecture suppose une connaissance historique poussée ainsi qu’une sensibilité en éveil. Une deuxième partie fait entendre le dialogue des philosophes et des théologiens qui révèlent les potentialités du langage humain à travers l’intertextualité et la symbolique (« métaphore »). Une dernière section rend compte d’« expériences esthétiques de la période contemporaine » à travers les moyens d’expression propres à notre temps, comme la photographie, le cinéma, l’art non figuratif même et la musique hébergée dans des lieux inspirants, comme la chapelle de Ronchamp, œuvre du Corbusier. — A.H.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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