La promesse. «Mes yeux devancent la fin de la nuit pour méditer sur ta promesse». Psaume 119,148

Jean-Marie Lustiger (Card.)
Religioni - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Le Père évêque de Paris nous fait ici confidence de sa méditation sur les rapports entre Israël et la chrétienté. Tout ensemble juif et chrétien, membre de l'Académie française et de surcroît cardinal de l'Église romaine, il peut à bon droit nous parler de son expérience de l'accomplissement de la promesse de Dieu en Jésus ressuscité, vivant. Il le fait, dans ce livre pénétrant et vigoureux, en deux étapes chronologiques: la première, datant de 1979, était destinée à des moniales du Bec-Hellouin pour les rendre attentives dans la prière au mystère d'Israël; la seconde reprend des conférences adressées en 2002 à des auditoires juifs de Tel Aviv, Paris, Bruxelles et Washington. Ce qui impressionne, à la lecture, c'est que l'A., dans la vérité de Dieu, peut dire «nous» dans l'une et l'autre partie de son livre, en s'identifiant aux uns et aux autres.
C'est donc nous, chrétiens, que vise son premier discours. Il convient de l'accueillir comme celui d'un frère aîné qui a reçu du Dieu unique, de manière absolument gratuite, la grâce d'une vocation particulière, celle de l'Élection. À la lumière de l'évangile de Matthieu relu dans sa profondeur originelle, il nous fait découvrir, à nous enfants des nations païennes, à quel point nous sommes redevables, à Dieu d'abord, d'avoir accès, grâce à Jésus juif crucifié par nous et pour nous, à toutes les richesses d'Israël: l'histoire sainte, la Loi divine, la Parole inspirée, la prière, la Terre, le règne, la Rédemption, la repentance. Nous sommes aussi redevables au peuple juif de nous avoir partagé son héritage de frère aîné en nous livrant son Christ, son Messie, avec son passé ancestral, son identité juive, comme une vivante promesse. Mais voici que notre action de grâce se révèle hypocrite et fausse tant qu'elle ne prend pas en compte son péché, le seul véritable péché: nous avons refusé d'être le frère cadet, et nous avons voulu prendre sa place, en le rejetant, en nous substituant à lui, voire en l'épinglant comme un «exemple» à la face des nations, tout au long de notre histoire. L'histoire de l'antisémitisme chrétien dans lequel baigne toute notre tradition. Nous avons gardé nos moeurs homicides de païens, et cela, au nom même de notre Christ, trahissant ainsi sa personne et reniant son message. Bref, nous avons tué Jésus, fils de Dieu, en méconnaissant le Serviteur venu pour nous bénir, c'est-à-dire pour nous faire vivre de la vie de notre aîné. C'est cette parole incisive que nous livre l'A. dans sa confidence, qui relit pour nous l'évangile. Nous, lecteurs, sommes ainsi conduits à avouer nos crimes et à faire de dignes fruits de pénitence, à la suite de Vatican II qui a amorcé la démarche, des frères et des soeurs d'Abu-Gosh qui en font leur prière constante auprès de la fragile communauté hébréophone, signe vivant de «l'Église de la circoncision», de Jean-Paul II glissant le billet de son intercession entre deux pierres du Mur occidental, restes du Temple de Jérusalem.
Étant ainsi entrés, silencieusement et humblement, dans la voie de la repentance, nous pouvons alors écouter le second discours de J.-M. Lustiger: à ses frères juifs. Il leur parle de leur Élection, à partir de leur foi en la promesse faite par Dieu à Abraham et à ses descendants, reprise sans cesse par les prophètes. Cette promesse vise l'universalité, l'humanité entière, à travers la révélation biblique qui atteint toutes les nations, les identifiant en quelque sorte au peuple juif et à son histoire, sous le regard de Dieu, l'Unique. Il montre comment le pape actuel a capté le message de ses frères juifs et le sens de son pèlerinage à Jérusalem, dans l'état d'Israël, par la rencontre toute de simplicité avec les uns et les autres. L'A. invite ses frères juifs, et les chrétiens derrière eux, à renouer le dialogue fraternel pour aider le monde contemporain à reconnaître où est le véritable enjeu de la destinée humaine. Il ouvre alors des perspectives d'espérance annoncées par une recherche biblique commune. Il encourage les uns et les autres à vivre dans une compréhension réciproque et une estime mutuelle pour se mettre ensemble au service des hommes de ce temps. Il esquisse finalement ce que peut signifier la rencontre des chrétiens et des juifs dans le choc actuel des cultures.
Un grand livre! Un livre vrai! À lire, à méditer, à pratiquer, dans l'humilité, en engageant nos responsabilités, face au Dieu unique qui nous as donnés les uns aux autres pour nous mener à lui.- J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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