La Proximité et la question de la souffrance. En quête de nouveaux rapports de l'homme avec soi-même, les autres, les choses et le monde
L. CouloubaritsisLa philosophie (et de nombreux chemins de sagesse) a tenté depuis toujours de résorber cette distance, un travail de titan par bien des côtés illusoire, mais tellement constant dans l'histoire de la pensée qu'il faut quand même lui reconnaître quelque nécessité et vertu. La réflexion contemporaine laisse toutefois la porte ouverte à de nouvelles perspectives, dont Edgar Morin est l'un des promoteurs: à la recherche antique de la simplicité, qui exprime souvent une volonté de simplifier tout à outrance, il convient de conjoindre l'attention à la complexité. Par ailleurs, la souffrance qui dure, et dont les lieux d'événements sont tellement différents les uns des autres, met en échec toute volonté de réflexion simplifiante: la souffrance constitue l'expérience insurmontable d'un monde «distal» plutôt que «proximal».
L'ouvrage se déploie en suivant un plan inspiré par notre culture du spectacle. On commence par une «mise en scène» où l'A. nous explique les enjeux de son entreprise. Viennent ensuite les éléments du spectacle: les «spectateurs» (l'homme divisé de lui-même), les «régisseurs» (qui déterminent les moyens de faire progresser l'intrigue, ce que les métaphysiciens réservaient à leurs systèmes de causes), les «souffleurs et figurants» (la psychanalyse, la linguistique, la phénoménologie); les «acteurs» (les affections d'attachement et de disponibilité à autrui), les «intrigues» (toutes les histoires que nous nous racontons), les «scénarios» (des «odyssées» plutôt que des «exodes»), les «décors» (l'ontologie et ses aventures rationnelles, autant que la volonté contemporaine de consommer), les «créateurs, producteurs et manipulateurs» (qui devraient tenir toujours sur leur regard les multiples souffrances de notre monde, unique mesure vraie de tout agir digne de l'homme). Un très beau livre. - P. Gilbert sj