Après avoir défini la règle d'or (appellation due à l'anglican
Thomas Jackson en 1615) «Ne fais (pas) aux autres ce que tu (ne)
voudrais (pas) qu'ils te fassent» et dissipé les malentendus
qu'elle peut engendrer, l'A. en relève l'idéal hétérocentrique
universel: chez les incas comme chez les hindous… Il en esquisse
alors l'histoire dans la pensée morale occidentale: après avoir été
remplacée chez les scolastiques par le principe aristotélicien de
la syndérèse (le Bien), elle est remise en valeur par Luther, puis
menacée de nouveau par l'impératif catégorique de Kant (le Devoir).
Règle à la fois d'empathie et d'équité, sans contenu propre, elle
m'invite à inverser les rôles: je me mets à la place de l'autre.
Toute considération de réciprocité est exclue: ce que l'autre me
veut ou me fait n'a rien à voir; j'agis non par reconnaissance ou
par vengeance de son action passée, ni par espoir ou par crainte de
son action future. Sont concernées non seulement les positions
subjectives (moi, toi) mais aussi les rôles et les fonctions: que
l'acheteur s'imagine vendeur! Utilisée comme principe politique
(cf. ségrégation raciale aux USA), la règle d'or sert également
d'outil dans les entreprises (le reversal day, la journée
inversée). Expression de la loi naturelle, elle est présentée dans
l'évangile (Mt 7,12) comme la quintessence de l'Écriture, où elle
apparaît pour la première fois dans le livre de Tobie (4,15). Son
interprétation inconditionnelle et désintéressée ressort du
contexte d'agapè dans lequel elle est proposée dans Lc 6,27-36:
aimez vos ennemis. À lire. - P. Detienne sj