La sagesse sauvera-t-elle le monde ?

Bertrand Pinçon
Sacra Scrittura - reviewer : Françoise Mies ok

Cet ouvrage destiné à un large public cultivé, dont la publication suit e.a. celles de M. Gilbert (2017), J.-M. Carrière (2022) ou C.-A. Fogielman (2022) sur la sagesse biblique, n’est en rien superflu. Œuvre d’un spécialiste (UCLyon) des livres sapientiaux et en particulier de Qohélet, il rassemble dix textes, issus, pour une part, d’exposés. Les dix chapitres sont autonomes, mais leur suite n’est pas arbitraire. L’A. les a mis sous le signe d’une question : « quelle sagesse de vie pour penser et espérer le monde qui vient ? » (p. 9), ou encore « La sagesse sauvera-t-elle le monde ? », titre inspiré de Sg 9,18 : « par la sagesse, les hommes furent sauvés » (p. 49, 124). Le plus souvent, chacun d’eux explore un livre biblique. L’A. plonge dans les cinq livres sapientiaux (Proverbes, Job, Qohélet, Sagesse, peu dans Ben Sira), mais aussi dans des passages sapientiaux présents ailleurs (Genèse, Psaumes…).

Le chap. 1, comme une longue introduction, commence avec la sagesse de vie proposée par les Proverbes, poursuit avec les critiques (le mal injuste, le non-sens) et les limites (la mort) de cette sagesse traditionnelle formulées par Job et Qohélet et avec les perspectives ouvertes (la prière adressée à Dieu malgré tout, la jouissance des petits bonheurs de la vie reçus de Dieu) et s’achève sur une proposition du livre de la Sagesse (l’immortalité). Les chap. 2 et 3 approfondissent les questions de Job et Qohélet et les pistes entrevues. Le chap. 4, consacré aux psaumes, e.a. sapientiels, s’attache aux béatitudes : « Heureux l’homme qui se plaît dans la Torah du Seigneur » (Ps 1,1-2), « heureux qui pense au pauvre et au faible » (Ps 41,1) : des chemins de sagesse vers le bonheur. L’intégration au recueil du chap. 5, dédié au Ps 22, non sapientiel, étonne un peu, hormis que le psalmiste reprend le juste cri de Job et qu’il est en quête de salut. Le chap. 6, consacré au livre de la Sagesse, répond aux questions de Job sur le mal injuste et de Qohélet sur l’injuste sort de la mort pour tous, par la vision de l’au-delà et de la rétribution post mortem : c’est en priant Dieu de leur donner la sagesse et en la pratiquant que, par elle, les hommes furent sauvés (Sg 9,18). Le chap. 7, dédié au règne de Dieu dans les psaumes (pas forcément sapientiels), n’avait pas spontanément sa place dans le livre, sinon que la royauté de Dieu sur la création se manifeste par sa sagesse. Le chap. 8, portant sur la sagesse des animaux (Gn, Pr, Ps), intrigue ! Les quelques pages sur le sujet ne permettaient guère plus que de constater une sagacité comportementale chez les animaux et d’affirmer leur place dans la création, dans une cohabitation avec les hommes que Dieu a disposée avec sagesse. Le chap. 9 invite au dialogue entre sagesse et foi, entre science et foi – la sagesse biblique étant aussi, pour l’époque, l’embryon de la science. Le chap. 10 reprend la question « La sagesse sauvera-t-elle le monde ? » Il ne la traite pas de manière directe (n’est-ce pas seul le Christ qui sauve ?). Mais poser la question est déjà un cadeau. Si le lecteur entre dans le livre, il découvrira que la sagesse vétérotestamentaire est un trésor et une source de vie, qu’elle lui permet de voir les enjeux de vie et de mort dans la vie de tous les jours ; il comprendra que cette sagesse, à dimension universelle, est source de dialogue, de paix et de vie entre les nations et les communautés ; il se rendra compte que, dans les crises d’hier et d’aujourd’hui, cette sagesse relationnelle, qui compte sur Dieu, lui donne d’espérer malgré tout. — F. Mies

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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