L'ouvrage expose d'abord les «structures marchandes de la Scientologie» (p. 21-92), qui fait commerce du «religieux» lors même qu'elle porte le «masque» (p. 93- 155) d'une religion du commerce. À l'instar du Catéchisme positiviste (l'A. ne cite pas A. Comte), la Scientologie comporte des rites (p. 116s), une doctrine (p. 253s) et une discipline (p. 387). L'A. combat de manière argumentée la prétention de la Scientologie à se faire reconnaître comme religion, ce qu'elle a obtenu aux USA, mais pas en Allemagne où elle est combattue et ce qu'elle risque d'arracher en France: l'enjeu fiscal et sociale n'est pas mince! Encore faudrait-il s'interroger sur les «limites de la liberté religieuse» (DH 7).
La démonstration de l'A. est convaincante quand il met à jour le travail du manque, les techniques publicitaires pour «l'achat des services religieux», les pièges mis en oeuvre au service indistinct du culte de la personnalité et du management moderne (c'est-à-dire de l'Argent). La force de ce livre précis et vigoureux tient à sa thèse fondamentale: la Scientologie serait un phénomène très expressif de la configuration moderne d'une société marchande où la démocratie et la politique, la langue et le discours (p. 217s) semblent domestiqués par la technique («faire de l'avoir», p. 207) censée opérer l'avènement en chacun du Surhomme (curieusement nommé le Thêtan opérationnel).
Au-delà des reproches d'emprise financière sur les adeptes, de «délation comme système de contrôle officialisé» (p. 354) et de violences exercées à l'encontre des adversaires (PTS: sources potentielles de troubles), l'A. dénonce magistralement la banalité des conduites et des attitudes qui font de la Scientologie un miroir (une superstructure?) de notre société occidentale et un laboratoire de son avenir. Rien n'est dit dans le livre de la sexualité.
L'A. discerne bien le mélange de ritualisme catholique et d'agnosticisme bouddhiste d'un mouvement qui n'a finalement d'autre secret que d'en être dépourvu. Il manifeste la «tactique du diable» (culpabilisation, accusation, division, avidité et volonté de puissance) mise en oeuvre dans le recrutement des adeptes et la formation permanente des adhérents. L'A. laisse comprendre (il faut l'affirmer) l'incompatibilité évidente des doctrines de la Scientologie (réincarnation, apartheid par le secret, refus de la Croix, méconnaissance de l'Amour divin) avec la raison et la foi chrétienne. - A. Chapelle, S.J.