La vie consacrée dans le mystère du Christ et de l’Église

Benoît-Dominique de La Soujeole
Vita consacrata - reviewer : Gonzague de Longcamp c.s.j.

Le présent ouvrage est la publication d’un cours sur la vie consacrée dispensé depuis plus de 30 ans. Il est donc riche de l’expérience théologique et religieuse de son auteur. Ceci n’est pas anodin, car Benoît-Dominique de La Soujeole veut inscrire son projet dans une « herméneutique de la continuité », craignant que certains propos actuels sur la vie consacrée fassent fi de longues années de tradition.

On comprend alors pourquoi l’A. commence par une brève histoire de la vie consacrée, montrant que celle-ci œuvre de façon « cumulative » et non successive. La compréhension et la théologie de la vie consacrée se sont à la fois enrichies et complexifiées au long des siècles. Il s’agit donc de revenir aux sources du donné scripturaire sans négliger la complexité du développement historique et les errements auxquels l’histoire a pu conduire.

C’est donc appuyé sur l’histoire, la théologie de Lumen gentium et la sagesse de la tradition thomasienne que l’A. va déployer, dans une deuxième partie, la théologie de la vie consacrée. Il s’agit en premier lieu de comprendre ce qu’est la consécration baptismale et la spécificité de l’appel divin à faire de sa vie un « sacrifice spirituel ». Partant de là, l’A. va explorer les conseils évangéliques et la vie commune comme fondements de la vie consacrée. Il n’y a là rien de très original.

On sera étonné de voir que l’A. choisit explicitement de ne pas tenir compte des apports de la psychologie pour traiter du vœu de chasteté. Il va employer des notions comme la « priorité de la pureté » et la « virginité-chasteté ». L’A. n’enracine pas du tout le conseil de chasteté dans la vertu du même nom, telle qu’elle peut être présentée dans le CÉC et c’est fort dommage. Les pages sur la pauvreté sont bien plus inspirantes, l’A. la définissant comme « libéralité », fondée sur la libéralité du Christ. Le plus long développement est consacré à l’obéissance – ce qui est bien normal pour un dominicain – et fort utile dans un contexte sociétal et ecclésial faisant état de tant d’abus d’autorité. L’A. n’hésite d’ailleurs pas à aborder de front l’épineuse question de la relation entre obéissance personnelle et obéissance communautaire. Pour lui, il n’y a d’obéissance que s’il y a une autorité. Il traite la question en la fondant d’abord sur les affirmations de Paul concernant l’autorité ; puis fait un long détour par la philosophie politique, avant de regarder le caractère ecclésial de l’obéissance. Fort de cela, il peut aborder l’obéissance religieuse.

Le deuxième élément constitutif de la vie consacrée est la vie commune, regardée non pas dans la spécificité d’une communauté, mais dans son caractère proprement ecclésial. Chaque communauté s’enracine et manifeste le mystère de la communion de l’Église.

L’ouvrage se clôt par une troisième partie, plus brève, consacrée à des questions particulières.

En refermant ce livre, on ressent une certaine perplexité. Certes, Benoît-Dominique de La Soujeole s’appuie sur nombre de données traditionnelles pour fonder la vie religieuse aujourd’hui. Il s’inscrit bien dans « l’herméneutique de continuité » qu’il appelait de ses vœux dans son avant-propos. Pourtant, la théologie de la vie consacrée a connu un développement fécond après le Concile. On est surpris d’avoir peu de références à des documents comme Vita Consecrata ou La Vie fraternelle en communauté.

On comprend aussi la volonté de fonder une théologie de la vie religieuse dans la tradition thomasienne et sa morale. Mais, finalement, contrairement à ce que le titre laissait espérer, on peine parfois à percevoir le caractère proprement christologique des vœux.

En outre, on peut se demander si l’A. a suffisamment mis en lumière la spécificité de la vocation religieuse dans l’Église. Il faudrait développer pour cela la notion de « signe ». Dans le chapitre 6 de Lumen gentium, le Concile parle de la vie religieuse comme « signe » de la vocation universelle à la sainteté. Tout enseignement sur la vie religieuse, ou vie consacrée en général, ne devrait-il pas commencer par explorer sa place dans l’Église qui n’est pas si facile à déterminer ? Il nous semble que cet apport du Concile est encore à recevoir. — G. de Longcamp c.s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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