Ne le taisons pas d’entrée de jeu : un tel livre n’est pas aisé à lire. Et cela se comprend facilement : la personnalité de Lamennais est à la fois fascinante et déroutante. Davantage que certains de ses contemporains, tels Lacordaire ou Montalembert, qui comptèrent parmi ses « disciples », dont plus d’un, au fil du temps, prirent leurs distances avec lui. Fascinant et déroutant, Lamennais le fut à coup sûr, à la fois pour des questions liées à sa santé fragile dès sa naissance (ce qui ne l’empêcha point de vivre au-delà de la septantaine, âge avancé pour l’époque), et plus encore du fait d’une psychologie où la sensibilité était exacerbée, dont on peut se demander si elle n’atteint jamais un réel point d’équilibre auquel tout être humain arrive plus ou moins bien, bon gré mal gré. Qu’il fut doué d’une fine intelligence, et qu’il fut curieux de tout et fin observateur de son époque est incontestable. Mais on peut également se demander si cette intelligence d’autodidacte ne fut jamais réellement structurée.

Comme le rappelle l’A., Lamennais, du fait précisément de l’engouement qu’il exerça de son temps comme depuis sa disparition, a fait l’objet de nombreuses études. En fallait-il donc une de plus, telle celle-ci ? Il est évidemment toujours délicat de répondre à pareille question. Tout compte fait, il me paraît que l’entreprise en valait plus que la peine. Sylvain Milbach honore bellement le genre biographique qui connaît un regain d’intérêt depuis quelques décennies alors qu’il avait été assez bien méprisé auparavant. Le grand mérite de l’ouvrage est précisément d’avoir écrit une authentique biographie globale, qui suit l’évolution de Lamennais dans toutes ses étapes, en l’inscrivant au plus près au sein de son temps, marqué par des problématiques nullement anodines. Lamennais fut conscient que la perte de toute forme de religion, et même de foi, était particulièrement prégnante de la société héritée des Lumières, conscient que le libéralisme avait ses qualités, au point d’en vouloir une forme « catholicisée », conscient que les transformations socio-économiques consécutives à l’industrialisation naissante entraînaient bien des bouleversements qui n’étaient pas tous heureux. Et pour suivre l’évolution de la pensée de Lamennais, l’A. a eu recours à un bon nombre de citations d’écrits de Lamennais : le contact direct avec les sources est toujours à privilégier.

Si – au risque de me répéter – l’ouvrage est parfois un peu ardu à lire, on ne peut qu’inviter à en prendre connaissance. Il est un excellent outil pour comprendre le personnage tout autant que son époque. — B.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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