L'ouvrage se compose de deux parties. La première, «L'homme en quête de soi», contient quatre chapitres. On part d'une analyse de la structure de l'humain (qui est plus un effort d'être qu'une substance confinée dans sa définition classique) pour arriver à la nécessité d'une option qu'impose le mal-être commun à tous ceux qui tiennent les yeux ouverts sur ce qu'est l'humanité réelle. Il s'agit de choisir entre d'une part une saisie de soi purement immanente, une identification de soi au monde et à son déroulement sans finalité, absurde, ce monde dont même la science ne parvient plus à montrer la consistance (là, le mal-être ne fait plus problème), et d'autre part une perception de transcendance, non pas ignorante du monde, mais capable de reconnaître en celui-ci un dynamisme qui le traverse et le soutient (et ici, le mal-être fait vraiment problème, mais avec des éléments qui permettent de l'affronter). Cette première partie conclut que «les traces mondaines de Transcendant correspondent à ce qui subsiste, dans l'état de mal-être, des splendeurs que la pensée de la déchéance mondaine nous fait entrevoir, par l'intermédiaire du transréel, comme les expressions de la vraie vie, aujourd'hui perdue» (p. 146).
La seconde partie, intitulée «Aperçus de Dieu», porte la réflexion jusqu'à l'affirmation d'un «Transcendant effectif» (p. 149). L'option devant le mal joue ici continuellement. On va jusqu'à «faire remonter jusqu'à l'Être de Dieu la possibilité du mal, dont la déchéance mondaine développe les conséquences sur le plan de l'histoire» (p. 152). La doctrine proposée s'affirme alors luthérienne, soulignant que «Dieu agit, dans sa Création, « à main droite » par « l'oeuvre d'amour », et « à main gauche » par « l'oeuvre étrange de la Justice » (p. 245-246). Si Dieu est amour, «il est aussi l'infinie puissance qui, de façon circonstancielle pourrait-on dire, s'exerce sous la forme d'une violence légaliste et punitive, infligée aux êtres humains captifs de la déchéance mondaine et, par suite, livrés à une culpabilisante errance entre le bien et le mal» (p. 249). Il y a en ce sens ce que nous pourrions juger être un mal en Dieu envers nous, pécheurs, mais il faut tout aussi bien noter que le mal en nous, dans le monde, est déjà vaincu au sens où il est limité dans le temps. «Le mal finit toujours par se heurter à une butoir» (p. 257), note l'A.
L'ouvrage, construit d'une manière précise, se donne un vocabulaire propre, dont il est parfois difficile de saisir toutes les nuances. On y regrettera l'usage trop répété d'expressions dédaigneuses comme par exemple «bouffonneries métaphysiques» (p. 280) à propos de l'immortalité de l'âme; ce n'est pas parce qu'on n'a pas de sympathie pour certaines thèses qu'il faut ainsi en parler! - P. Gilbert sj