«Le Syllabus» de Pie IX. Préf. de Mgr Dagens

Paul Christophe R. Minnerath
Biografie - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Voici un ouvrage dont on espère que la brièveté ne le fera pas passer inaperçu ni n'encouragera le lecteur à simplement le parcourir, car le sujet est d'importance. Ouvrage à trois, ou plus exactement à quatre voix. Signalons tout d'abord qu'il reproduit le texte du Syllabus (avec traduction française), précédée de celui (mais pas en version intégrale, ce qui nous paraît regrettable), de Quanta cura, qu'il accompagnait, et de la liste des documents de Pie IX à partir desquels fut rédigé le Syllabus. On ne peut que se féliciter de la présence du texte, car combien, souvent parmi ses détracteurs, l'ont tout simplement lu et lui font souvent dire ce qu'il ne dit pas. Précède ces pages une présentation historique par P.C., qui rappelle les circonstances qui ont amené Pie IX à promulguer ce texte, et les réactions qui suivirent, en particulier le tollé surgi en France, alors que les catholiques libéraux français n'étaient pas les premiers visés par ce document, et l'explication qu'en donna Mgr Dupanloup. Pour sa part, R.M. donne une lecture théologico-historique du document, avec en arrière-fond Gaudium et spes de Vatican II qui évidemment donne toutes les apparences de prendre le contre-pied du texte de Pie IX. Il faut aussi mentionner l'importance de la préface de Mgr D., qui met en évidence les enjeux spirituels du texte.
Les éléments suivants nous paraissent devoir être mis en évidence. Un document tel que le S. doit précisément être bien compris en fonction de son époque et des circonstances dans lesquelles il fut publié. Et les trois co-auteurs de l'ouvrage nous semblent avoir manié avec grand art celui des nuances pour présenter le S. D'autre part, le S. est le témoin d'une analyse bien souvent pertinente de l'héritage révolutionnaire et surtout du libéralisme qui, pris dans toute sa radicalité et son originalité, se posait en définitive comme une sorte d'anti-christianisme et sera la source de bien des maux de la modernité. Il n'est peut-être pas inutile de citer ici la conclusion de R.M., p. 106: «Dans le débat grandiose sur 'Dieu et la liberté', une certaine modernité, condamnée par l'Église, croit toujours trouver la liberté sans Dieu. L'Église pour sa part a toujours affirmé que Dieu n'est accessible que dans la liberté créée en vue de la vérité».
Cela étant, si on doit reconnaître que le S. voyait juste sur bon nombre de points, d'autres étant d'ailleurs fort contingents à l'époque, et que la compréhension de chaque proposition demande une approche très fine, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'un texte qui reste à bien des égards énigmatique. La lecture qu'en font les trois auteurs rappelle précisément que les documents du Saint-Siège exigent une lecture circonstanciée. D'autre part, on peut se demander si la tactique utilisée par Pie IX était de bon aloi, surtout si on la compare, comme le fait l'ouvrage, à celle d'un Jean XXIII et de Vatican II, et que l'on pourrait résumer comme suit: «condamner ou proposer» (encore que d'aucuns diront que depuis que l'Église a fait l'effort de s'ouvrir au monde moderne, elle ne s'est pas pour autant trouvée gagnante).
Partant de l'introduction de Mgr D., nous voudrions toutefois ajouter une considération relative à la béatification récente (3-9-2000) de Pie IX, auteur du S. Le prélat conclut: «on peut penser que le pape du Syllabus ne sera pas dépaysé en une telle compagnie», à savoir celle de Jean XXIII (qui avait aussi ses côtés «conservateurs») et du P. Guillaume Chaminade qui furent béatifiés en même temps que Pie IX. On peut se demander si ce ne sont pas les fidèles qui sont dépaysés… Était-il vraiment «opportun» de béatifier Pie IX, car, dans la mémoire collective, il demeure le pape du «refus de la modernité» et on ne perçoit guère dans son long pontificat une volonté que l'on retrouvera chez certains de ses successeurs, précisément de voir ce que la modernité avait de bon. Cela semble d'autant plus important que le Syllabus sert d'étendard à toute espèce de réactionnaires obtus et malfaisants. Autrement dit, la «légende» a aussi sa part… Et il faudrait beaucoup d'explications historiques pour «redimensionner» cette légende… - B. Joassart, S. J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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