C'est à un voyage passionnant dans l'entrelacs des rapports entre le droit et le temps que nous convie l'A., lui-même juriste et philosophe. Un voyage qui nous conduit de la mémoire au pardon, de la promesse à la remise en question, en quête d'un équilibre toujours à construire entre stabilité et changement.
Pour l'A., l'interaction entre ces quatre dimensions du temps s'impose si l'on veut construire une société harmonieuse du côté du passé, la mémoire est indispensable à toute collectivité, car celle-ci ne construit jamais que sur fond de ce qui est déjà - il n'y a en effet pas de page blanche en droit, mais seulement un palimpseste. Cette mémoire n'est toutefois porteuse de sens que si elle s'accompagne du pardon, qui délie ce même passé, le réaménage, le réapproprie, en lui imprimant un sens nouveau porteur d'avenir.
Du côté du futur, la promesse est tout autant indispensable à la vie sociale, elle qui vise à conjurer l'incertitude du lendemain à partir de l'engagement du sujet. Mais, ici encore, cette promesse doit aller de pair avec la possibilité de la remise en question, lorsque le changement des circonstances impose de revoir l'engagement souscrit précédemment.
Plus profondément encore, le passé et le futur eux-mêmes sont en interaction constante: la promesse, comme la remise en question, n'est en effet pensable que sur fond d'une structure préalable de socialité. À l'inverse, la mémoire et le pardon n'ont de sens que s'ils ouvrent à un avenir. Il s'agit donc, et c'est toujours un défi pour les juristes, de rompre avec le passé tout en prenant appui sur lui.
Cette réflexion sur la traduction dialectique des différentes dimensions du temps dans l'ordre juridique conduit l'A. à prendre résolument position contre toute tentative d'absolutiser un de ces moments, de le considérer isolément du reste une telle attitude ne pourrait qu'échouer à produire un temps porteur de sens. Fort de cette conviction, l'A. s'écarte d'une conception purement positiviste du droit, qui prétendrait limiter celui-ci à un simple ensemble de normes de conduite garanties par la contrainte, ou qui serait prête à avaliser n'importe quel changement régulier en la forme, indépendamment d'une évaluation de sa légitimité et de ses effets sociaux. Il n'est en effet tout simplement pas possible de faire l'impasse d'une conception de l'institution, qui se décline aussi en termes de valeurs et de principes, enracinés dans une mémoire.
Tout aussi contestable est un certain mode actuel de gouvernement, dominé par l'empire de l'éphémère, où l'urgence est érigée en modalité temporelle habituelle de la production de normes. C'est alors la remise en question qui est absolutisée, faisant fi de promesses antérieures et minant, à terme, la crédibilité même de tout engagement. Mais n'est pas plus justifiée la prétention qu'ont parfois le constituant, le législateur ou même le simple particulier de soustraire la norme à l'action du temps en l'inscrivant dans un futur intangible.
Face à ces diverses dérives, l'A. plaide en faveur d'une conception métamorphique du temps juridique, qui ne serait ni la rupture radicale du révolutionnaire ni la longue durée du conservateur, mais bien un temps de mutations continues, d'adaptations permanentes de ce qui est déjà, où le droit serait davantage conçu comme un processus d'ajustement que comme une succession saccadée d'actes instantanés.
Évitant les approches simplistes et les slogans faciles, ne refusant pas la confrontation à la pratique d'aujourd'hui comme à certaines théories dominantes, cet ouvrage, fourmillant d'exemples tirés tant de la littérature que de l'histoire ou de situations contemporaines, passionnera le lecteur désireux de mieux comprendre comment le temps et le droit sont appelés à s'articuler dans la société d'aujourd'hui. On appréciera la profondeur de la réflexion et la qualité de l'écriture, qui font de la lecture de cet ouvrage un véritable plaisir. - B. Malvaux, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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