K. Rahner (1904-1984) est l'un des grands théologiens du XXe s. et ce petit livre veut servir d'introduction à son oeuvre, ses sources et son rayonnement. Professeurs de théologie à Fribourg i.B, les deux auteurs ont fort limité le recours aux détails biographiques, mais tiennent compte des circonstances dramatiques du siècle passé qui ont réagi sur son oeuvre. Nombreuses furent les controverses engagées par Rahner, mais il resta toujours un homme de tradition et un «théologien systématique». Devant l'étendue de son oeuvre, ce petit ouvrage se limite aux points capitaux et surtout à ses premières et dernières oeuvres de synthèse.
Le plan de ce livre est simple: d'abord quelques détails biographiques (famille, vocation, études), puis sa période «philosophique», suivie des débuts de sa théologie didactique (grâce, théologie et anthropologie) et de l'épanouissement de sa théologie (Église, salut, mort, mariologie, nature et grâce, christologie); ensuite vient la dispersion extérieure et une synthèse interne (concile, Munich, Münster et son Cours fondamental sur la foi); enfin le dernier Rahner, regard panoramique et, citée en entier, sa dernière conférence, deux mois avant sa mort, où il jette un regard global et critique sur son oeuvre théologique.
La publication de ses opera omnia - unique pour un théologien catholique allemand - fait redécouvrir les circonstances dans lesquelles son oeuvre est née: les racines néoscolastiques de sa théologie, le refus d'une pensée psychologisante, le lien rigoureux de sa pensée à l'Église malgré les critiques publiques qu'il lui adressait. Il n'a pas ressenti comme une prison étouffante le cadre rigide de la théologie scolaire et il en a ravivé les bases néoscolastiques. C'est cela qui a permis à sa théologie d'être acceptée à Vatican II, puis au niveau mondial. Toute sa vie il a tenté de rapprocher des positions qui semblaient inconciliables: la néoscolastique peu soucieuse de l'expérience et la pensée moderne si soucieuse de l'expérience; l'acceptation, après-guerre, de l'exégèse protestante et de l'exégèse catholique critique; ou encore son ouverture à la jeune théologie politique. Mais on doit aussi admettre chez lui des carences importantes: son peu d'attention au «premier Testament» et son interprétation insuffisante du judaïsme. Il a su passer d'une philosophie transcendantale à une théologie transcendantale dans la ligne de saint Thomas repensé par le Père Maréchal sj ou par Blondel. Il a ainsi ouvert à la théologie scolastique une voie vers la modernité.
Mais J.B. Metz a montré que pareille théologie ne favorisait pas la perception historique ni celle des contradictions sociales. La «gauche» postconciliaire accuse sa théologie «racornie» d'être un frein, tandis que la «droite» lui reproche ses critiques des autorités officielles, menaçant par là les fondements du christianisme. Mais on a été trop peu attentif à ce qu'il fut toute sa vie un homme spirituel et un guide spirituel stimulant. Ses nombreux écrits spirituels ne sont pas démodés, car on les sent pétris d'expérience; de même ses écrits pastoraux désireux de promouvoir un christianisme vivant et agissant. Il a cherché à construire une «théologie scientifique» et c'est cela qui forme le centre de son oeuvre.
Que reste-t-il de son effort théologique? Sa confiance initiale dans les instruments de la pensée néoscolastique a éclaté devant la philosophie existentielle et l'herméneutique. Depuis lors, sa pensée a procédé de manière concrète et phénoménologique sans renoncer à une réflexion rigoureuse. Son Cours fondamental sur la foi (1976) regroupe toutes les façons de penser rahnériennes et se voulait une vue synthétique de toute la théologie pour le début des études théologiques qui la divisent en tranches. Il reste aussi son oeuvre historique assez vaste sur la pénitence, les premières hérésies et le transitus de Marie…
Les deux auteurs proposent leur ouvrage comme une introduction aux oeuvres de Rahner et voudraient donner le goût de le lire avec profit. Espérons que leur voeu sera exaucé et qu'ils feront aimer ce grand théologien qui a fait avancer la pensée catholique. - B. Clarot sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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