Les auteurs chrétiens latins du Moyen Âge sur les juifs et le judaïsme (1963), préf. G. Dahan

B. Blumenkranz
Religioni - reviewer : Alban Massie s.j.
Il est inutile de préciser l'intérêt de rééditer un tel ouvrage, à l'heure du renouveau des études sur les relations entre Juifs et chrétiens dans l'histoire, dont B. fut l'un des principaux artisans au sortir de la deuxième guerre mondiale. Juifs et chrétiens dans le monde occidental. 430-1096, avait été publié en 1960 (cf. NRT 87 [1965], p. 666-667). Il faisait suite à l'étude du «sermon» sur les Juifs d'Augustin (Die Judenpredigt Augustins, publié en 1946) qui analysait déjà ce que les auteurs chrétiens occidentaux avaient écrit sur ce thème jusqu'au Ve siècle. Les auteurs chrétiens… présente la collection des textes qui permirent ce travail, dans la perspective ouverte par Th. Reinach au XIXe siècle avec ses Textes d'auteurs grecs et romains relatifs au Judaïsme (1895). Publié d'abord sous formes d'articles dans la Revue des études juives entre 1949 et 1958, l'ouvrage fut édité en 1963 dans la collection des Études juives. G. Dahan, qui a présidé à la présente réimpression, garantit, dans une courte préface, la valeur et l'exactitude toujours actuelles de ce répertoire systématique, qui sera avantageusement utilisé avec les outils informatiques donnant un accès aisé et immédiat aux textes concernés.
Les auteurs chrétiens concerne en fait le haut Moyen Âge: il commence avec Jean Cassien († 433/4) et s'arrête à la veille des croisades, avec Gilbert Crispin († c. 1117). L'ouvrage comporte 241 notices pour 146 auteurs connus ou anonymes, orthodoxes ou hétérodoxes (l'A. prévient dans sa préface que les hérétiques étaient généralement plus conciliants avec les Juifs que les catholiques : cf. p. 9, n. 2). Les textes sont surtout d'ordre théologique, dans un cadre souvent (mais pas toujours) polémique: ils concernent l'interprétation de l'Ancien Testament et l'argument prophétique, la responsabilité des Juifs dans la crucifixion, l'identité du verus Israel, la prédestination et le rôle de la loi… Mais les préoccupations étaient aussi politiques, notamment au sujet du statut régissant la condition des Juifs, ou sociales, comme à propos du chômage le jour du sabbat ou des conditions de la conversion des Juifs. On remarque, mais est-ce une surprise ?, que l'A. renvoie souvent à saint Augustin (son entrée à l'index est la plus importante, p. 292, alors qu'il ne fait pas partie de la collection étudiée). Celui-ci est en effet le théologien du judaïsme par excellence dont nos auteurs s'inspiraient ou devant qui ils devaient au moins prendre position, au risque de déformer la pensée du docteur de la grâce. Ainsi, B. signale, à propos de Claude de Turin († c. 827), que «d'Augustin, une de ses sources principales, vient l'épithète malsonnante qui compare les Juifs à la boue: stercus rectissime intelleguntur persecutores Iudaei» (p. 151). B. ne donne pas la référence. La formule est effectivement tirée de la Cité de Dieu (17, 4). Mais Augustin renvoie alors explicitement au «fumier» dont parle Paul à propos de sa vie passée en Ph 3, 8. Ce que Claude omet de préciser. Le parcours chronologique que propose Les auteurs chrétiens donne ainsi une bonne idée de l'évolution des idées chrétiennes sur le judaïsme, autrement dit, de la construction de l'antisémitisme chrétien médiéval. Il complète de la sorte la somme plus récente de H. SCHRECKENBERG, Die christlichen Adversus-Judaeos-Texte und ihr literarisches und historisches Umfeld (1984, pour notre période). - A. Massie sj

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