Professeur de patristique et de théologie fondamentale aux Facultés jésuites de Paris (Centre Sèvres), le père Fédou présente un essentiel sur la question des dogmes dans l’Église catholique. Cette sorte de « Que sais-je ? » bien documenté propose les données classiques sur le sujet et fait le point sur cette matière en pleine évolution, en y joignant une bibliographie ainsi que des « encadrés » de textes officiels ou d’auteurs. Le contentieux autour du dogme est pris à bras le corps pour aborder les vrais enjeux qui touchent la foi et la vie de l’Église et des Églises. L’A. montre le lien structurel du dogme à la Parole de Dieu (révélation). Il le définit comme « Parole de Dieu s’exprimant comme “vérité de foi” dans le temps de l’Église » (p. 105). L’histoire du « dogme » porte la trace des difficiles consensus en matière de formulations doctrinales, depuis les premiers conciles jusqu’au xxe siècle, en passant par l’épreuve des ruptures ecclésiales, avec l’Orient au xie siècle et avec la Réforme protestante au xvie siècle. Vatican ii constitue un tournant : le concile ne propose pas de nouvelles définitions solennelles (dogmes), ni de condamnations ou anathèmes ; il élargit les perspectives, en prenant en compte le sensus fidei de la communauté baptismale tout entière ; il s’inspire de la distinction de Jean xxiii entre la « substance » de la foi et sa « formulation ».

Les conciles œcuméniques du premier millénaire sont consacrés principalement à la christologie, la pneumatologie et la théologie trinitaire, mais aussi aux doctrines dualistes comme le Manichéisme. Les querelles sur le péché originel, la liberté humaine et la grâce (Augustin) sont proprement occidentales. Le 2e millénaire occidental va débattre de la justification (salut), et de la nature des sacrements, notamment dans le contexte de la Réforme et du concile de Trente. L’Orient n’apparaît plus guère en cette période, signe de notre éloignement réciproque. Les xixe et xxe siècles catholiques voient s’ajouter deux nouveaux dogmes mariaux, l’Immaculée Conception (1854) et l’Assomption (1950), sans compter l’infaillibilité pontificale (1870).

Les deux derniers chapitres nous plongent dans l’actualité des Églises et méritent une attention toute particulière. Le xxe siècle s’est attelé à la question centrale de l’« herméneutique » (interprétation) et de ses règles. De grands auteurs ont marqué ces travaux et les progrès qui en découlent, notamment Newman, de Lubac, Rahner, Kasper, ainsi que A. Dulles et B. Lonergan pour les USA. L’apport majeur de l’Europe en ces dernières décades retiendra les noms de C. Geffré, E. Schillebeeckx, B. Sesboüé, C. Théobald, A. Gesché (Louvain), etc. Ce dernier, p. ex., définit le dogme comme « acte intellectuel de transgression », se refusant à l’interprétation rationaliste ou de simple bon sens. Ainsi, le dogme de Chalcédoine (p. 451) qui définit la condition du Christ comme « vrai homme » et « vrai Dieu » s’efforce de tenir les deux éléments majeurs de la condition du « Verbe fait chair » sans renoncer au mystère attesté par l’Écriture (Jn 1,14).

Le dernier chapitre prend acte de trois expériences ecclésiales récentes qui modifient l’approche dogmatique. D’abord le dialogue œcuménique. Grâce à une meilleure connaissance réciproque, ceux qu’on appelait « monophysites » et d’autres qu’on appelait « nestoriens », estimés « hérétiques », sont aujourd’hui perçus différemment, comme le montrent les accords passés par l’Église catholique avec les uns en 1993 et avec les autres en 1994, car les mêmes réalités de foi peuvent s’exprimer à travers des langages différents plutôt que par un langage univoque (H. Legrand). Dans ce cas, on parlera de différences « non séparatrices ». Il en va de même pour l’accord doctrinal entre Luthériens et Catholiques sur la « Justification par la foi » (1997), même si subsistent certaines différences doctrinales. Le Groupe des Dombes a poursuivi ses travaux, notamment concernant la mariologie et l’autorité dans l’Église en rapport avec l’infaillibilité. On peut espérer à l’avenir des avancées significatives, ratifiées par les Églises concernées. Les thématiques de la « libération » (Amérique Latine) et de l’« inculturation » (Afrique et Asie) relèvent des théologies contextuelles. Elles invitent à tenir compte des contextes lorsqu’on formule les doctrines théologiques. Il s’agit d’opérer une « réinterprétation créatrice des énoncés de foi dans un monde pluriculturel » (Léonard Santedi). — A.H.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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