Lettre encyclique «L'Église vit de l'Eucharistie», préf. G. card. Danneels

Jean-Paul II
Liturgia e pastorale - reviewer : Noëlle Hausman s.c.m.
Publiées avant le Synode de l'automne 2004, la quatorzième encyclique du Saint Père et l'instruction subséquente de la Congrégation romaine en cause, balisent-elles d'avance le travail des évêques, confrontés par ailleurs à d'autres publications tout aussi autorisées sur le même sujet? Comment les entendre et surtout, les interpréter? Proposons de comprendre l'encyclique comme un mémorial personnel (le Pape y parle souvent en première personne), livré le Jeudi-Saint, pour marquer solennellement le vingt-cinquième anniversaire du pontificat. L'instruction ressortit à un genre plus normatif; sa réception pourrait bien en mesurer l'opportunité pastorale.
Ecclesia de Eucharistia vivit (déjà recensé dans la NRT 126 [2004] 164). Les premiers mots du texte constituent son apport majeur, dans l'orbite du Concile Vatican II. «Mystère de la foi», l'Eucharistie édifie l'Église, son apostolicité, sa communion totale «dans les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique» (cf. 45). C'est pourquoi elle doit être célébrée dignement, à l'école de Marie, qui durant toute sa vie fit sienne la dimension sacrificielle de l'offrande de son Fils. Dans le «vrai corps» né de la Vierge se trouve le trésor de l'Église, le coeur du monde, le gage du terme auquel aspire tout homme (59). «Le mystère eucharistique - sacrifice, présence, banquet - n'admet (donc) ni réduction ni manipulation»; ici le coeur s'abîme dans l'adoration et dans un amour sans limites (62).
Doctrine parfaitement classique, avec les accents tridentins (sacrifice, transsubstantiation, présence, adoration) que certains voudraient plus mâtinés des harmoniques récemment restituées à cette célébration qui fait l'Église (la bénédiction, le mémorial, le partage), sans même parler des difficultés oecuméniques pendantes. On s'étonnera surtout de voir l'Eucharistie défendue avec cette vigueur, en un temps où bien des chrétiens pratiquants doivent se résigner à des célébrations épisodiques, pour le moins. La question était-elle là?
L'instruction «sur certaines choses à observer et à éviter concernant la très sainte Eucharistie» s'inscrit dans la foulée comme «document pratique qui se pencherait sur la dimension plus extérieure» de la célébration, du rituel et de ses formes. Le gouvernement de la sainte liturgie appartenant à l'autorité ecclésiastique, les normes contenues dans les livres liturgiques approuvés mesurent la participation et les fonctions des fidèles laïcs dans la célébration correcte de la sainte Messe, en particulier pour ce qui regarde la sainte Communion; quelques autres considérations touchent le lieu et les dispositions de la célébration, avant un chapitre entier dédié à la sainte réserve et au «culte de la très sainte eucharistie en dehors de la Messe»; les fonctions extraordinaires des fidèles laïcs sont à nouveau précisées pour la sainte Communion, la prédication, les célébrations en l'absence de prêtre. Des remèdes sont proposés, qui distinguent les gravioria delicta (réservés à la Congrégation pour la Doctrine de la foi), les matières graves et les autres abus à corriger avec soin; l'évêque diocésain, le Siège apostolique, mais aussi la vigilance de tous, s'allieront contre tout manque de respect et toute déformation: «Il faut que chacun se souvienne toujours qu'il est le serviteur de la sainte Liturgie».
Tel est le propos, que des mesures très détaillées corroborent. Ainsi de la communion sous les deux espèces, où il n'est pas permis aux fidèles «de prendre eux-mêmes la sainte hostie ou le saint calice, encore moins de se les transmettre de main en main» - on se demande comment la pratique antique de la communion dans la main, à peine restaurée, va survivre à ces prescriptions.
Fallait-il, derechef, s'attaquer à des déviations certes pénibles, en un temps où c'est la possibilité même des célébrations eucharistiques dominicales régulières qui semble le plus en danger? Gageons que le Synode s'intéressera à cette question de fond. - N. Hausman, S.C.M.

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