Pour le livre du Lévitique, la massore donne les indications suivantes: 27 chapitres, 859 versets, 11950 mots, 44790 lettres. Aujourd'hui, il n'est peut-être pas inconvenant d'ajouter à cette liste les 2800 pages du commentaire, en trois volumes, qui vient d'être achevé dans la fameuse collection américaine, The Anchor Bible. Même en ôtant les 270 pages de tables et d'index, les 145 p. de bibliographie, les 90 p. de traduction, les 30 p. d'addenda et de corrigenda, la vingtaine de pages d'abréviations et les inévitables répétitions dans ce genre d'ouvrage dont la rédaction s'étale sur dix ans (le premier volume sur Lv 1-16 date de 1991), ce chiffre nous donne une idée du vertigineux labeur accompli par J. Milgrom, professeur émérite de l'Université de Berkeley (Californie), un des meilleurs connaisseurs actuels de la tradition sacerdotale, auteur également - parmi beaucoup d'autres publications - d'un commentaire remarqué sur le livre des Nombres (JPS Commentary, 1990).
Bien plus que le commentaire «pionnier» de K. Elliger (1966), dont on perçoit aujourd'hui le caractère hypothétique de ses théories rédactionnelles et la faiblesse, sinon l'absence de ses perspectives théologiques, l'oeuvre de Milgrom marque un véritable tournant dans la recherche sur le Lévitique et ne manquera pas d'inspirer durablement les études subséquentes de ce livre. Que dire, en quelques lignes, d'un travail si imposant et si riche? La recension de J.-L. Ska sur le premier volume (NRT 115 [1993] 252-253) me dispense de rappeler les grandes orientations exégétiques du commentaire, orientations maintenues et précisées dans les volumes suivants. Dans ces deux derniers volumes traitant de Lv 17-27, Milgrom expose, avec force détail, les arguments stylistiques et lexicaux, en faveur d'une «école de sainteté» (H), distincte de la source P et révisant celle-ci. Tout en projetant sa propre lumière sur ces chapitres, il entre en dialogue avec les études les plus récentes et les plus stimulantes de ce corpus: I. Knohl (The Sanctuary of Silence, 1995), J. Joosten (People and Land in the Holiness Code, 1996), B.J. Schwartz (The Holiness Legislation, 1999). La thèse de A. Ruwe (Heiligkeitsgesetz und Prieterschrift, 1999) aurait sans doute mérité de figurer aussi dans cette liste. À défaut de pouvoir aborder, dans le cadre de cette recension, le détail des matières traitées, je ne formulerai ici qu'une seule impression forte laissée par la lecture quasi exhaustive de l'ouvrage. Dans le premier volume (Lv 1-16), Milgrom affirmait: «Theology is what Leviticus is all about» (42); dans les suivants - H se caractérisant notamment par une esthétique littéraire très soignée - il illustre maintes fois le principe selon lequel «structure is theology» (1322, 2129…). Et c'est, me semble-t-il, dans l'articulation de ces deux affirmations que résident la véritable nouveauté et la clé d'interprétation du travail de Milgrom. Pour la première fois, en effet, de manière aussi nette, le contenu du Lévitique et son enseignement nous sont présentés comme un tout littérairement élaboré et théologiquement cohérent.
Tout n'est certes pas dit, et l'A. n'hésite jamais à avouer son ignorance (p. ex.: 2391), mais chaque détail du texte s'intègre dans une compréhension globale de l'oeuvre et du courant sacerdotal dans son ensemble. Pour ne prendre qu'un exemple, parmi des centaines d'autres, on pourra se reporter à la façon dont Milgrom justifie les amplifications de H sur le Yom Kippour (Lv 16,29-31; 23,26-32) à partir de raisons structurelles (organiser les deux passages en chiasme) et théologiques (polémiquer contre P qui considère que le péché ne pollue que le sanctuaire, alors que H affirme qu'il souille aussi le pécheur: 2019-2021). Seul un «fils d'Israël» pouvait sans doute nous enseigner le Lévitique ainsi: non pas d'abord comme le résultat plus ou moins boiteux d'un processus rédactionnel complexe et hypothétique, mais comme l'expression d'une théologie en travail, aussi profonde que celle des prophètes. Le manque de soin apporté à l'établissement de la bibliographie ne changera rien au caractère incontournable de ce monument. - D. Luciani.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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