Los ejercicios espirituales de san Ignacio de Loyola. Una defensa, éd. J. Giménez Melià, S.J.

Fr. Suárez
Spiritualità - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Le succès étonnant de la Compagnie de Jésus à ses débuts et ses nouveautés (absence de choeur et de pénitences physiques imposées…) lui attirèrent beaucoup de critiques, spécialement contre les Exercices spirituels. Ce furent surtout les dominicains M. Cano et Bañez, deux grands théologiens, qui orchestrèrent les attaques sous prétexte de défendre l'orthodoxie catholique et la doctrine thomiste intégrale. À l'époque de la querelle sur le rôle de la grâce et de la liberté dans la vie chrétienne, avec le Pape Clément VIII favorable aux dominicains et la condamnation de l'illuminisme espagnol, ces attaques risquaient de détruire la Compagnie. C'est pourquoi le Général sj Aquaviva demanda en 1592 au grand théologien sj Fr.Suárez (1548-1617) de présenter une défense globale contre ces attaques. Ce dernier le fit avec joie et, en 1598, Aquaviva le remercia pour son livre De religione Societatis Iesu. Dans cet ouvrage, trois chapitres concernaient les Exercices spirituels qui ont inspiré profondément Ignace et son Ordre. Suárez aborde ici cet ouvrage uniquemment en théologien et en polémiste pour répondre aux objections. Ce témoignage de la seconde génération sj est important, d'autant plus qu'il précède le Directoire des Exercices publié en 1599. Les adversaires voyaient dans ce livre des tendances protestantes et illuministes comme le fait que nous puissions avoir des relations immédiates avec Dieu. Or, pour un Ordre apostolique comme la Compagnie, sa réputation d'orthodoxie est capitale pour son apostolat, fait justement remarquer l'éditeur J. Giménez Meliá.
Dans son premier chapitre, Suárez observe que les Exercices offrent essentiellement une doctrine pratique et non pas spéculative. Il ramène les principales objections à 12: le respect de Dieu dans la prière, les trois degrés d'humilité, le discernement des esprits, la nécessaire coopération humaine à l'oeuvre de la grâce, etc. Il fallait surtout justifier l'existence de motions spirituelles dans l'âme sans tomber dans l'illuminisme et montrer que l'expérience de la grâce n'exclut pas la coopération humaine. À ces objections s'ajoutaient des questions de théologie morale ou dogmatique et de droit canon, de même que l'usage par Ignace de certains évangiles apocryphes…
Son second chapitre traite de l'art et de la méthode dans les Exercices. Suárez établit qu'en toute expérience spirituelle, l'Esprit Saint joue un rôle capital sans qu'on puisse le dominer ou le maîtriser. Dans sa méthode, Ignace ne parle pas du contenu de cette expérience, mais de la route à suivre à son sujet et du rôle discret du directeur de la retraite, ce qui n'exige pas de longues explications. Si la contemplation nous unit plus directement à Dieu, pourquoi Ignace parle-t-il surtout de la méditation? Parce que la contemplation est une oeuvre plus divine qu'humaine, mais Ignace parle de la contemplation dans l'application des sens. Pourquoi les 3 voies classiques de la vie spirituelle (purgative, illuminative et unitive) sont-elles absentes des Exercices? Suárez pense que la 4e semaine commence la voie unitive et que, d'ailleurs, les 3 voies sont toujours plus ou moins intriquées l'une dans l'autre.
Le troisième chapitre, moins important, affronte deux objections: d'abord contre certains points des Règles sur la nourriture, les aumônes, les scrupules; Ignace y parle de l'immédiateté du rôle divin et du rôle effacé du directeur pour aider l'exercitant; puis sur l'usage des Exercices pour les jésuites et pour d'autres personnes. Selon Suárez, les Exercices nous aident à discerner continuellement la manière de rencontrer Dieu en tout; par ailleurs, ils ne prétendent pas nous mener à la sainteté en 8 ou 30 jours; mais veulent nous faire découvrir les voies à suivre pour parvenir à l'union avec Dieu.
Puis l'éditeur présente les trois motifs qui ont amené cette édition: sa valeur historique avant le Directoire, la valeur théologique de Suárez et leur valeur pratique pour mieux comprendre les Exercices. Il admet que Suárez est un auteur difficile et ses propres notes tentent de le rendre plus accessible. Le texte est bilingue, latin-castillan, et basé sur les textes de Vivés et de Debuchy. Nos notes espèrent avoir donné une idée de la richesse de cette oeuvre et de son utilité encore aujourd'hui, même si certains problèmes se sont déplacés. L'introduction de l'édition nous apprend bon nombre de choses intéressantes sur Suárez, sur le climat de l'époque et sur la doctrine spirituelle et affective du grand théologien. - B. Clarot, S.J.

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80