M. Halter a écrit de belles choses sur sa tradition juive. On se souvient de la Mémoire d'Abraham (Laffont, 1983). Et qui n'a pas lu sa trilogie La Bible au féminin: Sarah, Tsipporah, Lilah (Laffont, 2003-2004). Voici qu'il relève un défi, celui de construire un roman sur Marie. S'agit-il de la Vierge Marie, Notre Dame? Non pas. Mais d'une Marie imaginaire, une femme engagée dans l'action politique de son temps, en Galilée, sous l'occupation romaine. Les quelques détails que les évangiles nous rapportent sur la mère de Jésus se trouvent ici noyés dans la vie d'une personne de l'époque, fille du terroriste Joachim, une femme qui participe à la résistance, qui prend parti pour l'un de ses chefs Barabbas et le protège contre l'armée. Par ailleurs, elle apparaît liée aux esséniens de Damas et à un cousin lointain, Jean le Baptiste, fils de sa confidente Elishéba..
Fasciné dans son enfance par la démonstrative dévotion polonaise à Notre Dame, l'A. prend le parti de casser cette image doucereuse des pèlerins catholiques qu'il a connus. Ainsi dresse-t-il le portrait de «sa» Marie, qui prend sa place dans la galerie de tableaux que peintres, sculpteurs, enlumineurs de toutes les époques ont fait de Marie de Nazareth au cours des siècles, plus vraie, pense l'A., que toutes les autres, «marquées par l'ignorance de l'histoire d'Israël à laquelle Miryem appartenait» (p. 295).
Aussi l'A. s'ingénie-t-il à rendre palpable l'atmosphère de résistance, lourde, étouffante, qui devait exister certainement à Jérusalem en ce temps-là, et aussi sans doute en Galilée, où les femmes pacifistes prennent un rôle de compassion et de vérité qu'on dirait évangélique. À ce titre, le roman est intéressant, car il retrouve les évocations de Flavius Josèphe dans La guerre des Juifs. Si nous sommes loin de la Marie des évangiles, disons que la Marie de Marek Halter impose le respect par sa dignité de mère et de femme pieuse, mais de bon sens. C'est toute la Pologne juive persécutée et sauvagement massacrée que l'A. fait parler dans ce livre, et qui se confond avec la vieille Polonaise qu'il trouve dans une maison branlante de Varsovie, et dont le fils Jésus est mort à Auschwitz. Une belle figure, au demeurant, qui nous rappelle la noblesse de la Judith biblique. - J. Radermakers sj

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80