Méthode réflexive appliquée au problème de Dieu chez Lachelier et Lagneau

Paul Ricoeur
Filosofía - reviewer : Pascal Ide
Enfin est publié le Mémoire d'études supérieures que rédigea et soutint Paul Ricoeur en 1934. Il porte sur le problème de Dieu dans la philosophie réflexive française, chez deux de ses représentants majeurs aujourd'hui oubliés : Jules Lachelier à qui Bergson dédia sa thèse, et Jules Lagneau qui fut l'élève du premier. Après une longue introd. où il présente la méthode réflexive - à la fois réflexion sur les conditions de possibilité du savoir vrai, et savoir de l'intimité de la conscience -, Ricoeur consacre, très scolairement, la première partie de son Mémoire au premier Jules et la seconde au second, avant d'évaluer leur pensée à l'aune de la catégorie d'immanence dans sa conclusion.
Rétrospectivement, le premier travail conséquent d'un grand penseur est gratifié d'une importance parfois démesurée. Comment ne pas y lire les promesses de l'oeuvre ultérieure, comme le biologiste cherche le fruit dans le germe ? Ici, il faut l'avouer, l'oeuvre du jeune philosophe (il n'a que 21 ans !) appelé à une notoriété toujours plus grande, est un chef d'oeuvre. Nous y retrouvons d'abord ce cercle qui lui est cher entre l'histoire de la philosophie et la philosophie elle-même : si celle-là « est normalement l'occasion d'un approfondissement personnel » (introd.), donc conduit à celle-ci, toutefois « on n'accède au Même que par l'Autre » (p. 31). Ensuite, nous y découvrons un premier choix de Ricoeur, en faveur de la philosophie réflexive, option qui, p. ex., l'écarte de la métaphysique réaliste chère à son premier maître rennais, Roland Dalbiez - choix qui ne se démentira jamais pendant les tournants phénoménologique, herméneutique et analytique, même si, p. ex., le premier lui apprendra à subordonner la réflexion à l'acte intentionnel. Enfin, nous percevons un second choix au sein de cette philosophie réflexive : non point le courant large en quelque sorte cosmologique, englobant le vivant, voire la nature, présent chez Ravaisson, Bergson ou Blondel, mais le courant spiritualiste que, par contraste, on pourrait qualifier d'anthropologique, caractéristique de Lachelier, Lagneau ou Nabert.
Demeure une interrogation, que Jean Greisch pose dans sa remarquable préface : celle du hiatus considérable entre ce premier essai qui traite explicitement de Dieu - voire, au terme (p. 240-244) et entre les lignes, du Dieu personnel de la foi chrétienne - et l'oeuvre philosophique ultérieure qui se caractérise par une mise à distance systématique de la question de Dieu. - P. Ide

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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