Naissance de l'intellectuel catholique

H. Serry
Storia - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Des présentations de l'ouvrage de H. S. dans des organes de presse quotidiens - La Croix et Le Monde -, au moment de sa parution, en ont dit beaucoup de bien. Il n'y a aucune raison de ne pas leur emboîter le pas, non par suivisme, mais parce qu'il est bien fait. Sans doute déroutera-t-il à certains endroits les historiens: issu d'une thèse de doctorat, il est l'oeuvre d'un sociologue, dont le langage n'est pas toujours celui de Clio. Un petit regret toutefois quant à la facture: la bibliographie se trouve uniquement dans les notes, ce qui ne facilite pas toujours le repérage des études utilisées par l'A.
Qu'en est-il du sujet? Les années 1880-1935 (repères chronologiques qui auraient mérité de figurer dans le titre) voient surgir toute une pléiade d'écrivains (on reviendra plus tard sur ce terme) - Vallery-Radot, Bernoville, Johannet, Mauriac, Claudel, Maritain et tant d'autres, qui, par le biais de revues et ou d'écrits d'autre nature (tel le roman) entendent, si l'on peut dire, «écrire catholiquement». Certes un Chateaubriand, un Lamennais, un Veuillot leur ont montré la voie au siècle précédent. Mais après les turbulences des premières décennies du 19e siècle, il convenait d'aborder autrement les débats du moment qui avaient pris une coloration différente, en particulier parce que de nouvelles problématiques étaient apparues, notamment la séparation de l'Église et l'État, l'Action française et le modernisme. Il n'était pas facile de se mouvoir dans ce «noeud de vipères», alors que la hiérarchie n'était pas la dernière à accepter de se laisser ignorer et que des clercs - Sertillanges, Jury, Bessières, Altermann… - avaient des visées semblables à celles de ces laïcs. Et c'est sans doute l'un des premiers mérites de l'ouvrage: mettre en évidence l'extrême complexité du monde des idées dans la France d'alors et le réseau tout aussi complexe des relations entre ces clercs et ces laïcs.
Les auteurs «engagés» ont-ils réellement réussi à s'affranchir de la tutelle de la hiérarchie ecclésiastique, comme se propose de le montrer l'A.? Une affaire - plus tardive comme la Guerre d'Espagne - montrera que peu à peu certains intervenants ne suivront guère les prises de position différentes que celles officielles. Et la génération de Mounier et consorts héritera d'une certaine liberté acquise par leurs prédécesseurs. Un point sur lequel je me permettrais d'au moins entamer une discussion concerne le titre qui bien sûr cache la réalité profonde visée par l'A. Et encore ne prendrai-je qu'un terme: «intellectuel». Est-il si sûr qu'on puisse s'arrêter uniquement sur les «écrivains», même pris dans un sens large, tels que les a retenus H. S.? La question est abondamment agitée de nos jours pour savoir ce qu'était alors un intellectuel. Mais, même si leur «pensée» trouve généralement un moindre écho auprès de la grande masse, ne conviendrait-il pas d'inclure les «chercheurs», les «techniciens»? Après tout le début de l'époque couverte dans ce livre ne vit-elle pas la tenue des Congrès scientifiques internationaux des catholiques, lesquels ne semblent pas avoir attiré l'attention de l'A., qui rassemblaient chercheurs et «vulgarisateurs» tout autant que des auteurs «relais»? Autrement dit le lien entre «science» - ou recherche fondamentale - et «vulgarisation» (d'excellent niveau) ne devrait-il pas être exploré plus avant? Étant bien entendu qu'on ne peut pas tout faire…
Et cette question ne doit en aucun cas être un empêchement à lire ce livre. Bien au contraire! - B. Joassart sj

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