La pensée gnostique constitue «le plus grand cas d'antisémitisme
métaphysique», affirmait G. Scholem. Quelles en sont les
composantes originaires ? L'A. tente de répondre à cette question
du point de vue de l'historiographie. L'ouvrage propose d'abord un
état de la question avec les différentes théories en présence:
hérésie chrétienne, produit du dualisme iranien, du platonisme
philosophique, de l'hermétisme, d'un syncrétisme païen, ou fruit
d'un judaïsme spéculatif. Cette dernière thèse a les faveurs de
l'A. Les théories de Pearson et de Green lui paraissent les plus
stimulantes. Pour P., le dualisme anticosmique constitue certes la
matrice du gnosticisme. Paradoxalement, le judaïsme en serait la
source. Mais un judaïsme si déçu dans ses espoirs messianiques d'un
monde renouvelé, qu'une crise profonde devait faire éclater et
séparer du monde et de l'histoire. Chez G., il faut chercher
l'origine de la gnose dans les milieux intellectuels juifs en
Égypte, exacerbés par l'antisémitisme ambiant, après la destruction
du Temple. L'apostasie réactive, de certains de ces intellectuels
conduirait à la naissance du mouvement gnostique. La recherche de
l'a. suit cette piste, dans une étude socio-historique: pour lui,
la naissance du gnosticisme se situe dans un contexte
juif-égyptien, après la révolte qui interrompit la conquête de la
Perse par Trajan (115-117). Sa démonstration se fonde sur un
classement chronologique des textes gnostiques et des témoignages
des Pères. Dans ce cadre, trois scénarios restent possibles. Les
premiers gnostiques peuvent être ces intellectuels juifs déçus (on
retrouve P.). Ou bien ce sont des judéo-chrétiens opposés au
messianisme juif ayant inspiré la révolte sous Trajan. Ils
redéfinissent alors le judaïsme à partir de la transcendance du
Christ. Enfin, des païens ayant été attirés par l'opposition entre
le Dieu de l'Ancien Testament et l'idée de la divinité du point de
vue platonicien. Un ouvrage stimulant, qui pose des questions
brûlantes: si le terreau du gnosticisme est le judaïsme, la part du
mouvement chrétien dans sa naissance est-elle avant tout son
hostilité envers le même judaïsme ? Irénée se posait déjà la
question: «Ils disent qu'ils ne sont plus Juifs, mais ils ne sont
pas chrétiens non plus» (Adu. Haer. 1, 24, 6). - A. Massie sj