Notre chroniqueur spécialiste des religions orientales Jacques Scheuer, professeur à l’UCLouvain et au Centre Sèvres, signe un ouvrage qui risque d’être passé sous silence alors qu’il ne peut que susciter des paroles de louange. Réunir la parole et le silence comme patrimoine de l’Inde hindoue constitue en effet une belle porte d’entrée à la découverte des Veda et des Upanishad, de la Bhagavad-Gîta et de la bhakti, des renonçants aux brahmanes, jusqu’à Tagore et Gandhi. Ce livre qui peut paraître technique ne demande en réalité pas de connaissances spéciales des multiples courants religieux de l’Inde, certains dualistes, d’autres non. Certes, la variété des textes présentés dans ce florilège peut effrayer, mais cette peur s’éloigne dès la rencontre avec la Parole. Elle est sacrée, elle ne fut pas immédiatement écrite en « livres saints », elle est apprise, répétée et transmise, elle est mythique, poétique. Elle parle de l’humain et du monde, en les renvoyant au silence de l’origine, encore que celle-ci ne soit pas identifiable au silence. J.S. cite le sage renonçant Maitreya des Upanishad : « Je suis par-delà toute parole… Je suis tous les fruits du silence » (p. 90). Ainsi peut-on comprendre avec les yogas que le silence ne consiste pas à « se réfugier une sorte de mutisme passif qui confine à la bêtise » (p. 127), car « le silence n’est pas simple absence de parole : “lorsque l’on s’en tient au silence complet, on ne recherche pas l’anéantissement : c’est l’Être que l’on vise !” » (p. 129). À la fin de ce parcours, il reste à reconnaître que « Parole et Silence semblent indissociables et indiscernables » (p. 182). Et aller jusqu’à Dieu : « toujours silencieux, il est suprêmement actif. Pourquoi donc n’apprenons-nous pas de Lui que les forces les meilleures se trouvent dans le silence ? » (Gandhi, cité p. 221). — A. Massie s.j.