En ce petit ouvrage, Marie d’Udekem, professeure émérite d’anthropologie et d’informatique à l’Université de Namur, entend dégager une vision synthétique cohérente des approches scientifiques contemporaines relatives à la naissance du phénomène religieux. Pourquoi pas ? Les sciences – tant celles que l’on dit dures, que les autres dites humaines – détiennent en effet des outils qui permettent d’établir des liens entre telle condition et tel phénomène. Or la religion est un phénomène dans la mesure où la croyance en une transcendance laisse des traces dans la matérialité du monde ou dans le psychisme humain et que des rites liés à cette croyance sont également repérables. Mais il s’agit bien du phénomène religieux tel qu’il apparaît au regard extérieur ; il s’arrête donc au seuil de la question portant sur Dieu lui-même puisque, selon l’auteure, « La raison seule ne peut pas trancher. La réponse est un choix personnel qui relève du libre arbitre et de l’expérience de vie » (p. 21). Aux yeux du théologien, cette approche exclusivement scientifique apparaîtra sans doute bien pauvre : d’une part, les explications du pourquoi des religions sont largement réductionnistes, rendant compte de la religion par ses effets bénéfiques : cimenter la société, gérer la culpabilité, assurer la résilience, fournir une maîtrise, etc. ; d’autre part, le déroulement historique du comment des religions se fonde sur les processus complexes de l’évolution des grands singes jusqu’à l’Homo sapiens, mobilisant des données (parfois très conjecturales) telles que la sélection biologique des individus, l’accroissement de l’interdépendance dans le groupe, les caractéristiques du cerveau humain (capable d’émerveillement aussi bien que d’angoisse), les défis écologiques rencontrés, le passage de la chasse à l’agriculture, etc. ; ce qui donne au total un compte rendu plausible des processus qui conduisent à la religion, mais sans que soit évoquée une quelconque parole de Dieu à laquelle l’homme serait invité à donner sa foi. Mais si, avec ce livre, le théologien chrétien reste sur sa faim, qu’il veuille bien se rappeler que Dieu a connu, comme l’homme, toute une préhistoire : Térah, le père d’Abraham le croyant, était fabricant d’idoles. Disons que l’auteure nous donne ici, de façon d’ailleurs très honnête et didactique (tableaux à l’appui), une bonne approche strictement scientifique des religions païennes. — X. Dijon s.j.