Dans ces pages, qui se présentent comme un examen approfondi
(zuendegedacht) du système de Karl Rahner, Hans-Jürgen Vogels
publie le dossier de sa controverse. Une première partie reprend
l'article publié par lui en 1989 dans Wort und Wahrheit. Un second
chapitre donne un aperçu de sa discussion avec un défenseur de
Rahner, Ralf Miggelbrink (ibid., 1990). Le reproche fondamental de
V. s'appuie sur la proposition de Rahner de remplacer dans les
exposés trinitaires le mot personne appliqué au Père, au Fils et à
l'Esprit Saint par l'expression «mode distinct de subsistance». Son
motif est l'évolution du mot personne dans le langage courant: il
s'applique désormais à des êtres distincts doués de leur propre
intelligence et de leur propre volonté. L'accueil plutôt négatif de
cette suggestion par les théologiens est resté au même niveau, le
langage: il n'y a guère d'intérêt à remplacer un terme devenu
courant par une expression ésotérique qui aurait eu besoin
exactement des mêmes correctifs. Ce n'est que récemment qu'on a
voulu donner une portée doctrinale à ce projet avorté. Il serait
l'indice d'un glissement (sans doute inconscient) de Rahner vers un
refus de toute distinction réelle à l'intérieur de la Trinité. Or
ce rejet mettrait en cause les dogmes essentiels: christologie,
Trinité, incarnation, sotériologie. C'est pourquoi, conclut V., il
est nécessaire de s'y opposer au nom de la foi chrétienne
(conclusion de la première partie).
L'examen d'une telle «erreur» aux nombreuses «métastases»
supposerait une recherche dont l'étendue dépasse de loin les
limites d'un compte rendu. Bornons-nous à signaler un point, ce que
Rahner dit de la conscience humaine qu'a Jésus d'être le propre
Fils de Dieu. Ses pages, les plus éclairantes que nous connaissions
sur le sujet, montrent de façon remarquable la nécessité de cette
conscience, sa croissance progressive au fur et à mesure du
développement humain de Jésus et ses limites . Or ces pages sont
tout entières explicitement basées par Rahner sur le dogme de
l'Incarnation tel que l'a défini Chalcédoine.
L'A. acceptera entre-temps, nous l'espérons, que nous gardions à
Rahner et à sa doctrine toute l'estime que nous avons pour eux, ce
qui ne nous empêche pas d'admirer aussi l'ampleur et le sérieux de
sa recherche. - L. Renwart, S.J.