Dès le 19e s., quelques pionniers, en particulier dans les milieux
de la Renaissance hindoue, avaient exprimé ce que la personne de
Jésus ou du Christ représentait pour eux, tandis que des chrétiens
asiatiques commençaient à dire, autrement que les missionnaires
venus d'Occident, et à partir de leur environnement culturel et
religieux, qui était pour eux ce Christ à qui ils donnaient leur
foi. Tant du côté catholique que du côté protestant, la
christologie a connu, depuis trente ou quarante ans, en plusieurs
régions de l'Asie, des développements remarquables qui méritent
l'attention des chrétiens des autres continents. Cette production
asiatique, tant au plan de la théologie que de la spiritualité et
de la pastorale (nous avons trop tendance en Occident à les
séparer), se développe un peu partout sur deux versants: celui du
dialogue avec les traditions religieuses et sapientielles de l'Inde
et de l'Extrême-Orient, celui du combat pour la justice et le
mieux-être. L'A. consacre des chapitres substantiels aux
christologies élaborées dans les grands domaines socio-culturels et
religieux de l'Asie, s'attardant chaque fois à l'étude approfondie
de quelques auteurs ou courants particuliers: l'Inde et le contexte
hindou (R. Panikkar, St. Samartha, M.M. Thomas, théologie des
«opprimés»: dalit); Sri Lanka et le contexte bouddhiste (A.
Pieris); les Philippines («théologie de la lutte») et la Corée
(théologie du peuple opprimé: minjung); le monde chinois (notamment
à travers l'oeuvre de Choan-Seng Song, théologien protestant
originaire de Taiwan); le Japon (K. Kitamori, K. Koyama, S. Yagi).
Certes, l'étude n'est pas exhaustive et le traitement est quelque
peu inégal: l'Asie du Sud et les Philippines, où l'on publie encore
beaucoup en anglais, nous sont plus accessibles que
l'Extrême-Orient. Au terme de l'exploration, le lecteur sera
cependant amplement récompensé de sa peine, d'autant que l'A. ne
propose pas seulement une documentation abondante mais esquisse une
conversation théologique avec les oeuvres qu'il présente: la
plupart des questions traitées (histoire du salut, théologie des
religions…) sont également, bien que d'une autre manière, à
l'agenda des théologiens et des chrétiens d'Occident. La conclusion
rassemble quelques traits communs à la plupart de ces christologies
et propose quelques réflexions sur la responsabilité des
théologiens dans les relations d'échange entre les Églises de par
le monde. Cet ouvrage riche de substance n'a pas son équivalent en
langue française. - J. Scheuer, S.J.