Religieuses apostoliques aujourd'hui. Des femmes presque comme les autres

A. Sizaire
Vita consacrata - reviewer : Noëlle Hausman s.c.m.
Fidèle à ses principes, la collection Pascal Thomas publie, par la plume d'une journaliste avisée, un petit ouvrage performatif sur un sujet où il devient difficile de l'être: le monde des religieuses de vie apostolique, approché, de diverses manières, «sur le terrain». On nous permettra d'épingler, de manière toute subjective, plusieurs citations-sources. Dès le début se fait jour une question qui reviendra dans tout le texte, jusqu'à la fin, et qui vaut le détour: «Pourquoi les religieuses apostoliques mettent-elles tant d'énergie à être si peu visibles?» (p. 13) «Or, qui, aujourd'hui, dans la sphère catholique, occupe le mieux le terrain? Les laïcs et les religieuses apostoliques» (p. 24). «Certes, après des siècles de présence ostensible, il y a eu la volonté, dans le sillage de Vatican II, d'enfouissement dans le monde, donc de discrétion. Mais aujourd'hui, si précisément leur mission a un sens, il est nécessaire et salutaire, au sens le plus fort, dans une société en perte de repères, de pouvoir bien distinguer qui sont les religieuses» (p. 27). Depuis 1998, le désir d'être plus visibles s'est fait jour chez les religieuses apostoliques elles-mêmes (p. 127). C'est en tout cas le désir final de l'auteur, de contribuer à l'espérance «des laïcs, des prêtres et de tous nos frères humains, pour qui le signe de la vie religieuse doit devenir plus clair, si discret qu'il veuille être» (p. 130). Un fil rouge qui ne peut passer inaperçu.
D'autres problèmes sont cernés, avec grande finesse. D'abord celui de la «double vie», religieuse et professionnelle, mise en rapport avec «le quotidien de très nombreuses femmes d'aujourd'hui, obligées de jongler, plus ou moins bien, entre vie professionnelle et vie familiale»: «les congrégations apostoliques ne se sont peut-être pas assez penchées sur la nécessité d'un travail intérieur, en profondeur, quant à l'harmonie des 'doubles vies' de leurs membres» (p. 54). La question des soeurs qui vivent seules est entendue comme l'expression d'une «vie religieuse originale: après tout, la vie en commun, le partage du même toit, n'ont jamais fait l'objet d'un voeu… Demain, cette mobilité (passage entre différents modes de vie et d'habitats) paraîtra-t-elle normale?» (p. 87). Des religieuses apostoliques deviennent vierges consacrées (quand la vie communautaire n'est plus qu'une entrave), d'autres se déplacent vers la vie contemplative (quand la recherche spirituelle demeure inassouvie): est-ce à dire que la vie religieuse deviendrait temporaire, ou prendrait des formes successives? (p. 98-99). L'A. pense que «de plus en plus de soeurs vont choisir de vivre seules, au moins pendant un temps, d'autres, de s'engager sans voeux définitifs, et de sortir ensuite» (p. 124). Enfin, on relèvera deux réflexions intéressantes en ce qui regarde les prêtres: «C'est bien souvent un membre de la Compagnie de Jésus qui met en contact des postantes potentielles avec tel ou tel institut. Les jésuites apparaissent avisés pour détecter les vocations et savoir où envoyer la ou les intéressées» (p. 104). Enfin, un personnage qui fut autrefois incontesté a désormais de plus en plus de mal à trouver sa place dans la vie des congrégations: «il s'agit de l'aumônier. Disons-le tout net: au train où vont les choses, il sera bientôt à ranger dans la galerie des curiosités du passé» (p. 108).
Voilà un tableau fort suggestif des faiblesses et des promesses de la vie religieuse apostolique en France, donc en Europe occidentale aujourd'hui: saurons-nous affronter les combats qui nous y sont proposés? - N. Hausman, S.C.M.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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