Cet ouvrage est sans doute le dernier livre de philosophie écrit
par le Père Philippe, récemment décédé. Bien que ce ne soit que le
tome 1 d'un retour à la source, on pourra y découvrir comme un
testament de sagesse. Le regard que le Père portait sur notre
époque était sans concession. Il lui reprochait son positivisme et
son formalisme. Le positivisme signifiait pour lui cette vision du
monde où la science se prétend sagesse et supprime donc celle-ci.
Il pensait que même les hommes d'Église en étaient contaminés. Ne
voit-on pas, par exemple, l'emprise des sciences exégétiques et des
sciences humaines peu à peu se soumettre la Parole de Dieu? Seule,
croyait-il, la redécouverte d'une authentique philosophie première,
se tournant vers ce qui est la substance (ousia) et l'être-en-acte
(energeia) peut nous prémunir contre ce positivisme et nous rendre
la vérité de la personne humaine au niveau de l'être et de
l'esprit. Par ailleurs, le formalisme contemporain n'a pas peu
contribué à l'avènement d'un fidéisme qui détruit l'intelligence,
la foi et la sagesse théologique. Il s'agit de retrouver l'acte du
jugement qui peut aller plus loin grâce à l'amour. Bref, seule une
recherche métaphysique poursuivie pour elle-même pourra nous
défendre contre le positivisme et le fidéisme, ainsi que nous y a
d'ailleurs invités l'encyclique Fides et Ratio. Notons toutefois
que l'A. préfère à ce terme tardif de métaphysique celui de
philosophie première. Renouant avec l'intention d'Aristote, on
donne alors à la philosophie son véritable objet qui est la
connaissance de l'être en tant qu'être. Il s'agit de revenir à
Aristote et de prendre très au sérieux l'affirmation de saint
Thomas selon laquelle la philosophie est sagesse, connaissance du
réel et de l'existence de l'être premier. Le Père Philippe n'entend
donc pas en revenir à un simple thomisme classique. Il s'agit pour
lui de remonter à la source où s'abreuve saint Thomas, à cette
philosophie première aristotélicienne pour qui l'intelligence peut
atteindre le réel et l'existence de Dieu. On admire chez le P. P.
l'exigence de rigueur et de clarté sereine dont il témoigne ici en
fidélité à Aristote et à saint Thomas. On n'en demeurera pas moins
libre de préférer d'autres manières de penser à la suite du Docteur
angélique et de déployer différemment un itinéraire de sagesse. -
H. Jacobs sj