Saint Bonaventure et l'entrée de Dieu en théologie. La Somme théologique du «Breviloquium» (Prologue et première partie)

Emmanuel Falque
Teologia - reviewer : Léon Renwart s.j.
Après un avant-propos consacré à un exposé méthodologique, Emmanuel Falque, pour commencer avec le commencement, répond avec Bonaventure que «seule la théologie elle-même, dans sa pure descriptivité d'une part (ch. I), et dans le rejet… de toute preuve de l'existence de Dieu d'autre part (ch. II), lui ménage une entrée qui ne le force pas à séjourner autrement qu'il est et veut s'y présenter: comme Trinité. Mais quand Dieu lui-même 'commence', le Père exige alors d'une part de demeurer l'unique 'origine à l'oeuvre' s'exprimant presque esthétiquement par son Fils hors de toute efficience de la causalité (ch. III), et d'autre part de constituer, ensemble cette fois et avec l'Esprit Saint, un type de communauté tel que l'auto-affection de leur sentir divin se déploie tout entier dans leur unique désir vers un 'Ami commun' - ou mieux d'«Aimer-en-commun' (ch. IV).
Au carrefour de cette aire théologique préparée par l'homme au séjour divin (évidence subjective) et de l'expérience éminemment trinitaire de Celui qui s'y révèle au commencement (évidence objective), Dieu 'se manifeste' donc et 'se dit' au croyant d'abord en 's'abandonnant' trinitairement lui-même dans la plus parfaite pauvreté jusqu'à lui 'apparaître' dans son 'être' même' (ch. V) et ensuite en usant de 'métaphores' qui épousent en quelque sorte sa manière spécifiquement humaine d'être ou d'habiter le monde, sans néanmoins jamais s'y réduire ou renoncer à son 'propre'» (p. 204).
Comme le fait remarquer Jean Jolivet dans sa Préface, «Dieu peut se manifester 'directement comme Trinité' ou bien préalablement comme 'concept'» (p. 9). Bonaventure, en fidèle disciple de saint François, privilégie la première démarche; saint Thomas, plus métaphysicien, choisit la seconde. À plusieurs reprises, l'A. établit avec grand discernement, un parallèle entre les deux auteurs. Toujours dans la ligne franciscaine, Bonaventure décrit la pauvreté radicale qui caractérise les processions divines. Si Falque fait souvent recours à la phénoménologie, c'est comme méthode, non comme système global; il relève en effet l'impossibilité d'une totale conciliation avec le système (p. 204, n. 3). Notons enfin qu'il distingue la « métaphore », qui marque le rapport entre les termes, de l'«analogie» qui mettrait plutôt en évidence leur séparation (p. 154).
Si nous avons largement cité l'A., c'est que sa démarche est profondément déroutante pour un théologien habitué à la présentation thomiste. C'est dire à la fois la difficulté de ce texte, malgré son souci constant de clarté, mais aussi son très grand intérêt. Ces pages obligent en effet à réfléchir à l'essentiel, au «point de départ» à partir duquel en fait tout se décide et se construit. - L. Renwart, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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